Les spécialistes de la stratégie citent souvent le philosophe Sénèque. Dans une des lettres tirées de sa correspondance avec l’un de ses disciples, Lucilius, il dit à peu près ceci : « il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il veut aller ». Autrement dit, il convient de savoir là où on veut aller pour mieux identifier le chemin pouvant y conduire et, ainsi, atteindre le futur désiré (il est ici possible d’évoquer une analogie avec la carte routière, certes désormais les applications GPS se chargent d’identifier le chemin mais elles ont besoin de connaître la destination pour calculer l’itinéraire). Encore faut-il, sans certitude mais avec beaucoup de volonté, formuler des souhaits ou des conceptions de l’avenir à propos des affaires imaginées. C’est en ce sens qu’un entrepreneur est un visionnaire. Il lui faudra également se donner les moyens de ses ambitions, c’est-à-dire réunir les ressources et les agencer pour réaliser sa vision. L’entrepreneur tente alors de rendre l’environnement congruent à la représentation qu’il s’en fait par des actions plus ou moins, à la fois, planifiées et contrôlées pour matérialiser sa vision. L’essence de la stratégie réside dans ces deux actions consistant, d’une part, à choisir la position de l’organisation (et de ses produits et services) dans un avenir plus ou moins lointain et, d’autre part, mettre en place une organisation pour y parvenir. Cette conception est fidèle à l’origine guerrière du mot « stratégie » (elle est évidemment discutable). Il s’agit de conquérir le territoire de l’autre (celui de l’adversaire, celui du concurrent, …). Le verbe grec « stratego » concerne la conduite des armées et l’utilisation efficace des ressources pour détruire l’ennemi (Desreumaux, 1993). La stratégie consiste alors à décider d’une position à occuper sur le terrain et à mobiliser des ressources organisées efficacement pour prendre cette position. Positionnement et configuration organisationnelle sont les deux dimensions clés de la stratégie. Cette conception pourrait conduire à penser que le choix de positionnement précède l’organisation des ressources réunies pour réaliser la vision. La réalité montre parfois l’inverse, les moyens réunis conduisant parfois à davantage de modestie, ou à l’inverse à plus de prétention, quant à l’avenir possible. En règle générale, l’entrepreneur jonglera entre ses ambitions et les ressources réunies pour décider où aller et mettre en oeuvre l’organisation pour y parvenir. Il gagne à être à la fois stratège et pilote. Les partenaires, notamment les investisseurs, y sont très sensibles.
Pr. Thierry Verstraete
Desreumaux A. (1993), Stratégie, Dalloz
Fréry F. « Stratégie d’entreprise et stratégie militaire », vidéo, Xerfi Canal TV ici
Filion LJ, Visions et relations : clés du succès de l’entrepreneur, Les éditions de l’entrepreneur, Montréal, 1991
Verstraete T., Entrepreneuriat – connaître l’entrepreneur, comprendre ses actes, L’Harmattan, 1999 ici