Note 1.1 : Le Business Model est un buzzword
Note 1.2 : D’emblématiques jeunes e-entrepreneurs : Mark Zuckerberg, Sean Parker, …
Note 1.3 : Donner du sens et donner le sens
Note 1.4 : Le complexe n’est pas compliqué selon la perspective systémique
Note 1.5 : L’apprentissage par la pratique (Learning by doing) versus transmission du savoir
Note 1.6 : Des langages pour modéliser
Note 1.7 : Le cycle de vie de l’entreprise
Note 1.8 : Business Model et storytelling
Note 1.9 : La traduction de Business Model en Modèle d’Affaires
Si l’expression « Business Model » a été repérée bien avant dans un texte académique, c’est lors de l’avènement des start-up internet, fin des années 1990, que l’expression est devenue un Buzzword, c’est-à-dire une expression à la mode se diffusant rapidement sans que ceux qui l’utilisent sachent exactement ce qu’elle veut dire. 1.1
Au départ, quoique parfois encore aujourd’hui, il n’était guère aisé de se représenter les affaires possibles sur Internet. La technologie était nouvelle pour la grande majorité des utilisateurs, certains vocabulaires étaient inédits, les acteurs eux aussi étaient nouveaux. Il s’agissait notamment de jeunes entrepreneurs férus d’informatique rompant avec l’image du capitaine d’industrie que certains sont, dans une certaine mesure, pourtant devenus.1.2
Le business n’était pas immédiatement compréhensible …
Certes, les investisseurs percevaient le potentiel Internet, mais pour lever des fonds, les porteurs de projet devaient procéder à un effort supplémentaire pour rendre clair ce qui ne l’était pas, tout en indiquant comment ils voyaient l’évolution de l’affaire envisagée. Il leur fallait donner du sens, c’est-à-dire de l’intelligibilité, et il leur fallait donner le sens, c’est-à-dire la direction à prendre pour réussir.1.3
En fait, à s’y pencher, l’expression « Business Model » est pleine de bon sens. Voyons cela.
Il s’avère que pour faire comprendre des objets de connaissance, celui qui diffuse le savoir est conduit à mobiliser des modèles. Un modèle, ça sert à faire comprendre ce qui est complexe ! 1.4
Imaginons que dans un cours d’astrophysique, l’enseignant évoque la trajectoire d’un satellite autour d’une planète. Dans la mesure où il lui est impossible de faire vivre l’expérience empirique à l’apprenant en lui construisant une fusée pour l’envoyer mesurer concrètement les choses … il lui faut bien trouver une façon de faire comprendre cette trajectoire en la représentant. 1.5
Pour ce faire, il doit évidemment utiliser un langage compris par son auditoire. Par exemple, si ce dernier comprend le langage des mathématiques, l’enseignant pourra utiliser ces dernières pour produire (ou utiliser) ce qu’on appelle un « modèle » qui, sous la forme d’une formule, décrit ou explique cette trajectoire.
Mais les mathématiques ne sont pas les seules à permettre une modélisation d’un objet de connaissance pour le faire comprendre, pour le mettre au jour, pour le faire voir (c’est-à-dire générer une représentation mentale dans l’esprit de celui qui apprend).
D’autres langages peuvent être utilisés 1.6. Par exemple, prenons le modèle du cycle de vie de l’entreprise. Il est souvent représenté par une courbe montrant qu’une entreprise naît, puis croît, avant d’être mature puis de décliner pour malheureusement mourir 1.7. C’est une nouvelle forme de modélisation, cette fois graphique.
Certes ce modèle basé sur une métaphore biologique est déterministe, mais il est utile pour préparer les décideurs aux éventuels problèmes génériques souvent rencontrés selon la phase d’évolution de l’entreprise. Il est d’ailleurs tout à fait possible, en prenant un cas particulier, de raconter le cycle d’une entreprise et de modéliser, grâce à la méthode des récits de vie, la trajectoire de l’entreprise. Le modèle est alors narratif. 1.8
Ainsi, un modèle peut prendre une forme mathématique, une forme graphique, une forme narrative, et pourquoi pas combiner celles-ci.
De nombreux exemples pourraient être pris dans tout ce qu’on nous enseigne depuis notre enfance, mais aussi dans la vie professionnelle : les représentations des langages informatiques pour comprendre les fonctions d’un programme, les représentations dessinées des circuits imprimés utilisées par les électroniciens, les cartes cognitives et les cartes mentales pour modéliser les structures cognitives ou la créativité des individus, etc.
Une modélisation correspond donc à une représentation pouvant être communiquée de différentes façons (oralement, visuellement), permettant à celui qui la reçoit de comprendre l’objet de connaissance présenté. Elle concerne tout acteur susceptible de faire apprendre sans pouvoir faire vivre l’expérience à l’apprenant, par faute de temps ou de moyens.
Un créateur d’entreprise construit, chemin faisant, une représentation du business tel qu’il l’envisage. Au fur et à mesure de sa maturation, le projet intègre de nombreux éléments à organiser et devient complexe. Le créateur ne va pas emmener son partenaire financier, par exemple, vivre tout ce qu’il a fait pour que ce partenaire comprenne ses affaires.
Il doit modéliser son business pour le faire comprendre. Modèle d’affaires en français, Business Model en anglais, l’expression relève du bon sens. 1.9
Pour convaincre un partenaire, il faut être clair, d’autant plus qu’il n’est pas rare qu’une dizaine de minutes, guère plus et parfois moins, soit offerte au créateur pour qu’il présente son projet, le reste du temps étant dédié aux échanges et à la discussion.
Pour être clair, pas le temps d’aller dans les détails, il faut modéliser pour livrer l’essentiel en oubliant l’accessoire.
Accéder à l’animation vidéo de ce texte.
L’Office Québécois de la langue française définit le mot buzzword de deux façons. Dans une première acception, c’est d’abord une « jargonnerie » , c’est-à-dire un « Mot d’un jargon spécialisé utilisé principalement pour impressionner les non-initiés ou pour donner l’impression que l’on connaît bien le domaine en question. ». Il définit également le buzzword comme un mot à la mode . Une autre façon de l’interpréter consiste à diviser le mot en « buzz » et « word ». Ainsi, le buzzword est un mot, ou une expression, qui fait le buzz.
En marketing, une offre (un produit ou un service), ou un évènement, ou une marque font le buzz lorsque les consommateurs en parlent beaucoup. Le bouche à oreille est alors le vecteur conduisant la communauté à particulièrement s’intéresser à l’objet dont tout le monde parle. Intrigués, les médias prennent alors le relai et accroissent l’effet buzz. Selon Mark Hughes :
« buzzmarketing capture the attention of consumers and the media to the point where talking about your brand or company becomes entertaining, fascinating, and newsworthy » (2008, p.2). Il faut provoquer la conversation autour de l’objet en donnant de quoi parler aux consommateurs. L’effet escompté est livré par la Figure 1.
Mark Hughes propose six stratégies pour tenter de lancer un buzz : jouer sur les tabous, proposer l’insolite, provoquer un scandale (dans les limites de l’éthique), faire rire, susciter l’admiration ou révéler un secret.
Internet multiplie le nombre d’échanges possibles et accroît de façon considérable la vitesse de diffusion de l’objet faisant le buzz, qu’il s’agisse d’une offre, d’un évènement, d’une vidéo, d’une histoire, d’un site web, d’une personne, d’une marque, etc. S’agissant de l’expression qui nous intéresse ici, à savoir Business Model, selon Magretta (2002),
« Business Model was one of the great buzzwords of the internet boom, routinely invoked, as the writer Micheal Lewis put it to glorify all manner of half-baked plans » (2002, p.3).
Cette entrée en matière d’un article publié dans la revue Harvard Business Review paraît peu flatteuse pour le BM, mais Magretta montre ensuite l’intérêt qu’il peut y avoir à dépasser cet a priori pour évoquer le pouvoir du storytelling (un Business Model, c’est une histoire).
Elle fait du BM l’équivalent managérial d’une méthode scientifique ; l’organisation démarre avec une hypothèse, laquelle est testée puis révisée au besoin. Ainsi vu, le BM est dynamique.
A vous de jouer :
1/ Identifier des entreprises, des marques, des produits, des services, etc. ayant réussi à faire le buzz avant qu’Internet ne soit disponible, et expliquer la stratégie afférente.
2/ Identifier des entreprises, des marques, des produits, des services, etc. ayant réussi à faire le buzz depuis qu’Internet est disponible, et expliquer la stratégie afférente.
3/ Comparer 1/ et 2/.
Pour aller plus loin :
Mark H., (2005), Buzzword – Get people to talk about your stuff, Portfolio
Magretta J., (2002), « Why Business Models Matter », Harvard Business Review, 80:5, May
Avant le e-business auquel on s’intéresse dans cette note, et parmi les jeunes férus d’informatique, il faut évidemment penser à Steve Jobs, co-fondateur d’Apple à l’âge de 21 ans, et à Bill Gates, co-fondateur de Microsoft à 20 ans, dont l’estimation de la fortune l’a longtemps placé en tête du classement des personnes les plus riches au monde.
Dans l’e-business, de nombreux jeunes se sont lancés dans l’aventure entrepreneuriale. Voici quelques figures emblématiques, avec une limite arbitrairement posée à 30 ans, en considérant qu’après cet âge, on est moins jeune … Certains français, charismatiques du paysage numérique français (Xavier Niel, Jacques-Antoine Granjon, Marc Simoncini, …), créent leur entreprise après leur trentième anniversaire.
Mark Zuckerberg, créateur de Facebook à 20 ans (la première version daterait de 2004), est un e-entrepreneur incontestablement célèbre. Un film est consacré à la naissance de l’application de réseau social dont il est à l’origine : The Social Network, de David Fincher. Mark Zuckerberg occupe la 16ème place des plus fortunés en 2015.
La participation de Sean Parker dans Facebook est relatée dans le film précédemment cité. Mais c’est avec un autre projet que ce jeune entrepreneur s’est fait connaître. A l’âge de 20 ans, il a co-fondé Napster en 1999 avec Shawn Fanning et John Fanning. Napster est le pionnier du partage de fichiers informatiques par le réseau internet (P2P, ou Peer-to-peer en anglais, ou pair à pair en français). L’encodage de fichiers musicaux de façon numérique, avec le format MP3, a conduit des millions d’internautes à utiliser Napster pour, d’une part, mettre à la disposition de la communauté ainsi constituée une énorme banque de données musicales et, d’autre part, puiser (téléchargement) dans la base collectivement construite. Les majors musicales ont vivement réagi et l’application a disparu pour connaître divers rachats. Napster est aujourd’hui une marque utilisée par ses propriétaires sur le marché de la musique en ligne de type streaming.
Jeff Bezos est une autre figure du e-business (1ère fortune mondiale en 2017), connu pour avoir créé Amazon, dont il est le PDG. Après une expérience dans le domaine financier à Wall Street, Jeff Bezos a 30 ans lorsque Amazon est lancé en 1994 (la première version du site internet est disponible en 1995).
Sergey Brin et Larry Page (20ème et 19ème fortunes mondiales en 2015) ont respectivement 25 ans et 26 ans lorsque Google est créé en 1998. Les deux initiateurs du célèbre moteur de recherche (auquel l’entreprise ne se réduit plus aujourd’hui) se sont rencontrés sur les bancs de l’Université de Stanford.
Pierre Omidyar a la triple nationalité (iranienne, française et américaine). Il crée eBay en 1995, à 28 ans.
Pierre Kosciusko-Morizet participe à la création de Priceminister, en 2000, alors qu’il a 23 ans.
A 27 ans, Jonathan Benassaya est le cofondateur de Deezer en 2007, dont il a quitté la présidence trois ans plus tard.
A vous de jouer :
1/ Identifier d’autres entrepreneurs s’étant lancés jeunes dans l’aventure entrepreneuriale (pas uniquement dans le e-business).
2/ Relever les avantages et les inconvénients à entreprendre lorsqu’on est jeune ?
3/ Reconnaitre chaque entrepreneur dans la mosaïque ci-dessus.
Le mot « sens », comme de nombreux autres, est polysémique, c’est-à-dire qu’il possède plusieurs significations, ou plusieurs « sens » … C’est plus précisément une ambivalence qui nous intéresse ici.
Dans sa première acception, le sens réfère à l’intelligibilité, c’est-à-dire à la connaissance apportée sur un objet donné. Par exemple, pour convaincre un partenaire potentiel de venir en affaires, il faut qu’il comprenne le business. Ainsi, donner du sens, c’est offrir une représentation intelligible de l’objet (dans notre exemple, le business).
Dans la seconde acception, le sens correspond à un but à atteindre, qu’il s’agisse d’une position géographique, d’une position sociale, d’une performance (sportive, économique, politique, etc.). Il s’agit de savoir quelle direction prendre pour parvenir au but visé (sachant que, selon le principe d’équifinalité, plusieurs chemins peuvent conduire au même but, sans évidemment croire que tous les chemins mènent à Rome).
La conception d’un BM nécessite de composer avec ces deux acceptions. Tout porteur de projet doit rendre son business intelligible autant dans le fond (conception) que par la forme (communication) et faire l’effort d’imaginer ce qu’il peut devenir. Cet avenir est parfois difficile à anticiper, mais en rapprochant l’échéance des prévisions formulées, c’est-à-dire en faisant par exemple une prévision à un an (et en y posant des jalons), le porteur participe à un effort d’anticipation aidant les partenaires potentiels à se projeter.
Sur cette base, il conviendra d’imaginer les suites, ou de formuler des hypothèses au cas où l’année se déroulerait bien. Il ne s’agit pas forcément de faire des plans (à l’instar de ce que doit formaliser le plan d’affaires), et surtout pas des plans sur la « comète », mais d’ouvrir les perspectives pour ensuite construire des scenarii plausibles.
Ainsi vu, le BM est au cœur d’une méthode pour concevoir le futur désiré.
A vous de jouer :
1/ Retrouver le texte de la lettre écrite par Sénèque à Lucilius dans laquelle il lui écrit qu’il n’y a pas de vent favorable pour qui ne sait où il veut aller ; en faire le lien avec le propos ce cette note.
2/ Répondre à la question : l’entrepreneur doit-il être stratège ?
3/ Une autre acception du « sens » renvoie aux valeurs, ou encore au sens qu’on peut donner à sa vie ; en quoi cette acception s’applique à l’entrepreneur ?
Rendre intelligible le complexe est une des missions de la « systémique ».
La présente note semble s’éloigner du thème de l’ouvrage, et on confessera son caractère théorique. Mais ce petit rappel sur la systémique peut aider à comprendre que cette perspective offre un éclairage particulièrement utile pour appréhender les éléments complexes (objets, situations, …) avec lesquels doit composer l’entrepreneur dans la conception et la conduite de ses affaires. Cette complexité nécessite souvent un regard global. Plutôt que de céder à une démarche analytique consistant à décomposer les systèmes étudiés en autant de sous-ensembles possibles pour en identifier chaque détail, il s’agit de s’arrêter au niveau pertinent pour comprendre comment le système fonctionne.
Dans le contexte d’un business (vu comme un système) étudié par un observateur, cette perspective montre qu’il n’est pas nécessaire de saisir tous les détails de ce business pour le trouver pertinent et croire en son potentiel. Un business est un système complexe d’éléments en interaction. Pour le comprendre, il convient de le modéliser.
Plus généralement, le monde est composé d’une multitude de systèmes plus ou moins vastes (un ordinateur, un corps humain, un laboratoire de recherche, un système solaire, … un business). Qu’il s’agisse d’étudier l’infiniment petit ou l’infiniment grand, l’observateur est placé face à des systèmes qu’il tente de comprendre, pour, ensuite, éventuellement concevoir la façon de mieux les contrôler. La systémique a apporté un regard original, notamment en considérant que ces systèmes sont moins compliqués que complexes.
Lorsque la perspective n’est pas systémique, les objets de connaissance perçus comme étant compliqués sont simplifiés. Cette simplification consiste à dénombrer les éléments composant l’objet étudié, à résoudre ce que ces éléments posent comme problème, pour ensuite remonter vers l’objet plus globalement délimité afin d’en comprendre le fonctionnement. Cette méthode ne doit retenir que ce qui apparaît vrai, c’est-à-dire que les préjugés ou les opinions doivent être écartés du raisonnement pour que la mise en ordre des connaissances ainsi acquises permette, partant d’une simplification, d’expliquer l’ensemble a priori plus compliqué. Autrement dit, la résolution d’un problème compliqué consiste à le décomposer en autant de sous-problèmes possibles dont les solutions s’additionnent pour fournir la solution du plus gros problème. Ainsi, face à un problème « A » décomposable en deux problèmes « B » et « C », la résolution de ces deux derniers permet de résoudre le premier. Cette perspective est cartésienne, car elle s’appuie précisément sur le discours de la méthode de René Descartes qui comporte quatre préceptes, dont celui d’évidence, lequel conduit à la quête de la vérité.
Lorsque la perspective est systémique, et sans que celle-ci ne s’oppose strictement à la précédente, les objets sont abordés dans leur complexité, c’est-à-dire en les considérant comme des systèmes possédant des propriétés que leur décomposition ne permet pas forcément de comprendre. La méthode découlant d’une perspective systémique va ainsi considérer les objets dans leur ensemble, c’est-à-dire comme un tout qui ne se réduit pas à la somme de ses parties (selon la proposition de Ludwig von Bertalanffy).
A ce titre, elle s’attache également à l’organisation de l’objet vu comme un système de parties, ou d’éléments, en interaction dynamique.
Cette organisation est à la fois un processus et un état. Le processus implique un mouvement dirigé vers un but. Il a une fonction à remplir (approche fonctionnelle du système, par exemple le processus de production d’une entreprise). L’état fait référence à la structure du système, à l’agencement de ses éléments (cette approche structurelle du système correspond par exemple à un organigramme pour une entreprise). Le système est également complexe parce que ses éléments peuvent posséder des propriétés intrinsèques. Il comporte alors des zones d’incertitudes avec lesquelles il est possible de composer pour comprendre ou maîtriser le système.
Le caractère analytique convenant aux objets compliqués tolère difficilement l’ambiguïté inhérente aux systèmes complexes dont il faut pourtant proposer une représentation. Cette dernière peut avoir au moins deux
visées : la connaissance de l’objet (ex : une recherche fondamentale sur le système « entreprise »), la maîtrise de l’objet (ex : contrôler ou piloter l’entreprise). Dans les deux cas, la modélisation est l’exercice par lequel la représentation (mathématique, graphique, narrative, …) apporte la connaissance de l’objet sans qu’elle ne conduise à la connaissance très détaillée des parties. La pertinence l’emporte sur la vérité au sens cartésien du terme. Par exemple, est-il nécessaire qu’un dirigeant de PME connaisse dans le détail la composition et le fonctionnement de toutes les machines de l’atelier ? Certains trouveront des cas où c’est peut-être nécessaire, mais c’est loin d’être généralisable.
Le propos qui vient d’être tenu peut paraître complexe, certes, mais il n’est pas compliqué … Votre encadrant aidera à l’appréhender.
A vous de jouer :
1/ Répondre à la question : un investisseur doit-il connaître tous les détails d’un business pour décider d’investir ?
2/ Identifier des points communs entre une montre, une entreprise et une famille (ou entre d’autres objets) ?
Pour aller plus loin :
de Rosnay J., (1975), Le macroscope, Editions du Seuil
Barel Y., (1971), Prospective et analyse de systèmes, La Documentation Française
Durand D., (1994), La systémique, Presses Universitaires de France Que sais-je ?
Lugan J.-C., (1993), La systémique sociale, Presses Universitaires de France, Que sais-je
Le Moigne J.-L., (1994, 1ère en 1977), La théorie du système général : théorie de la modélisation, Presses Universitaires de France
Morin, (1977), La méthode, Editions du Seuil (en 4 tomes)
Von Bertalanffy L., (1969), Théorie générale des systèmes, Dunod
La question est ici posée d’une comparaison entre un apprentissage par les modèles et un apprentissage par l’expérience, deux formes d’acquisition de connaissance que certains tendent peut-être à trop opposer (dans le domaine de l’entrepreneuriat, il n’est pas rare de lire ou d’entendre dire qu’il faut le vivre pour le comprendre). Cette note n’épuisera pas les dimensions auxquelles renvoie cette question.
Selon une conception économique (on pensera aux travaux de Kenneth Arrow, prix Nobel d’économie) l’apprentissage par la pratique signifie que l’individu améliore ses capacités et sa productivité par la répétition de la tâche qui lui est confiée. Dans le domaine de la pédagogie, John Dewey expérimente une école où les connaissances sont transmises au moment opportun c’est-à-dire lorsque l’élève en a besoin pour avancer dans la tâche pratique qui lui est confiée (au sein de laquelle il identifie les problèmes à surmonter). Les essais et les erreurs font partie d’un apprentissage ne disjoignant pas la pensée de l’action.
Concrètement et en référence aux pratiques actuelles, le stage en entreprise place l’élève en situation d’apprendre par lui-même des contextes qu’il traverse et dont il est acteur, certes encadré par son maître de stage et son enseignant référent. Mais l’apprentissage par l’action peut prendre bien d’autres formes en confiant, lors de sa scolarité, différents projets à l’élève. Par exemple, dans le domaine de l’entrepreneuriat, il est demandé à l’apprenant d’imaginer un projet de création d’entreprise. Même fictif, ce projet conduit l’individu à interagir avec les acteurs possédant les ressources de toute nature nécessaires ou utiles au projet. II comprend alors que, chemin faisant, le projet prend corps autour de la représentation qu’il partage avec ces possesseurs de ressources. Toute sensibilisation ou formation en entrepreneuriat gagne à placer les apprenants, individuellement ou en groupe, en situation d’agir, en les faisant véritablement jouer à entreprendre. Cette forme pédagogique ne doit pas faire oublier les connaissances fondamentales à apporter dont le but est, dans ce cadre, de fournir une grille de lecture permettant à l’élève de mieux appréhender les situations (voir à ce titre la note 1.6). Enfin, un coach est particulièrement utile pour favoriser la combinaison connaissance/action.
A vous de jouer :
1/ Dans le cadre d’une sensibilisation à l’entrepreneuriat, imaginer la réalisation qui pourrait être demandée à des élèves de l’enseignement primaire, puis à ceux de l’enseignement secondaire, puis à ceux de l’enseignement supérieur, éventuellement en vous appuyant sur des expériences concrètes déjà menées.
2/ Quelles seraient les limites d’un apprentissage de l’entrepreneuriat uniquement basé sur un enseignement en classe ? Quelles seraient les limites d’un apprentissage de l’entrepreneuriat uniquement basé sur une mise en situation ? Une méthode de type PMI (Plus ou Moins Intéressant) peut être ici mobilisée pour construire des tableaux de réponses aux deux questions.
Tous les domaines de connaissance, qu’ils soient organisés en disciplines (physique, chimie, économie, sociologie, philosophie, gestion, droit, architecture, etc. ) ou non, proposent des modèles pour aider l’apprenant à comprendre les objets enseignés. Les modèles peuvent être définis comme des instruments de description de la réalité telle qu’elle est ou telle qu’elle se construit. Ils se prêtent parfois à la simulation et possèdent une fonction plus ou moins utile à l’action, donc à la prise de décision. Ils peuvent être tangibles lorsqu’ils s’expriment sous forme de maquette (en architecture, en géologie, …), mais ils sont, comme les théories, généralement plus abstraits.
La relation entre une théorie et un modèle n’est pas si évidente et ce manuel ne s’y attardera pas. Tout au plus, pourra-t-on considérer ici le BM GRP comme une théorie du BM (une convention relative à la génération, à la rémunération et au partage de la valeur) pouvant être utilisée comme un modèle pour mettre au jour, pour concevoir (design) ou pour reformuler (redesign) des modèles d’affaires. Ainsi vu, le modèle apparaît comme une expression concrète d’une théorie.
Les langages utilisés pour modéliser (et pour théoriser) sont divers. Les mathématiques occupent toutefois une place importante, notamment par leur capacité à schématiser la réalité étudiée. Les mathématiques remplissent cette fonction pour décrire l’infiniment petit comme l’infiniment grand, les objets physiques ou sociaux et leur dynamique. Elles sont mobilisées pour expliquer ou pour prédire. La modélisation par les mathématiques s’impose dans toutes les disciplines, certes plus dans certaines que dans d’autres. Dans les sciences dures, c’est une évidence. Le plus célèbre modèle est connu d’un grand nombre, au moins dans sa formulation : E=mc²
Dite de la relativité restreinte, cette équation posée par le physicien Albert Einstein établit une relation entre la masse d’un corps (m) et son énergie (E). Elle propose de considérer qu’une masse peut se transformer en énergie lorsqu’elle est multipliée par la constante c (équivalant à la vitesse de la lumière).
L’économie et la gestion utilisent beaucoup la modélisation mathématique, par exemple lorsqu’elles se rencontrent sur le terrain de la finance.
Les mathématiques ont parfois atteint un niveau de sophistication tel que certains modèles semblent intraduisibles dans le langage courant. Ce dernier est également un outil pour modéliser. Ainsi, la narration est une voie pour transmettre le savoir et schématiser un objet de connaissance, le rendre accessible, en le racontant.
Une distinction s’opère parfois entre le récit du modèle et le modèle comme récit. Dans le premier cas, il s’agit de narrer, pour expliquer, dans un langage courant, un modèle autrement formalisé (par exemple de façon mathématique). Dans le second cas, le récit lui-même est le modèle, c’est-à-dire la schématisation de la réalité ainsi transmise.
La narration est l’option choisie par GRP Lab avec le logiciel GRP Storyteller pour rendre intelligible le modèle d’affaires. La narration vise à présenter le récit par un langage articulé, oral ou écrit ; elle peut bénéficier de l’apport des images (photos,
films, …).
Lors d’un pitch (exercice consistant à présenter oralement le projet dans un temps court pour y faire adhérer l’auditoire), la gestuelle accompagne l’exercice narratif.
A vous de jouer :
1/ Identifier un modèle célèbre non cité dans la présente note.
2/ Représenter graphiquement un objet de connaissance (ex : une entreprise et son fonctionnement, un fait historique, …)
3/ Raconter, en 1 paragraphe, ou en 1 page, cet objet de connaissance.
4/ Reprendre 2 et 3 de sorte à ce que le dessin apporte à la narration, et inversement.
Par analogie avec la biologie, le cycle de vie a été appliqué à la firme. Ainsi, l’économiste Alfred Marshall propose une lecture écologique de la firme. La vie d’une firme peut être décomposée en cinq phases : la création, le démarrage, l’adolescence, la maturité et le vieillissement. Chaque phase comporte des singularités. Cette approche a fait l’objet de nombreuses propositions de la part des spécialistes en théorie des organisations. Certains modèles sont d’ailleurs très régulièrement enseignés dans les cours de management (ex : Greiner, 1972 ; Adizes, 1991 ; …). Souvent, la représentation graphique prend la forme de la figure 3.
L’idée générique est aussi qu’à chaque phase du cycle, une entreprise va rencontrer des problèmes propres à cette phase et qu’il est utile d’en aviser ceux qui la dirigent. Il est alors également possible d’identifier les problèmes considérés comme normaux (c’est-à-dire les problèmes généralement ou souvent rencontrés lors de la phase du cycle de vie) et ceux qui sont anormaux (c’est-à-dire des problèmes qui ne devraient pas survenir).
Par exemple, Adizes (1991) considère qu’en phase d’adolescence il y a des problèmes normaux tels qu’une perte temporaire d’imagination, un système de gratification devenus inadaptés, des hésitations dans la délégation, etc. Il cite également des exemples de problèmes anormaux pour lesquels les dirigeants auront intérêt à faire appel à une expertise extérieure (consultant) tels que le départ du créateur, la perte de confiance dans l’entreprise, etc.
A vous de jouer :
1/ Prendre le cas d’une ou plusieurs entreprises de votre choix et tenter de repérer les différentes étapes de son cycle de vie.
2/ Faire de même avec un ou plusieurs produits.
3/ Identifier les limites de l’analogie par le cycle de vie appliquée à la firme ou au produit.
Pour aller plus loin :
Adizes, I. (1991), Les cycles de vie de l’entreprise : diagnostic et thérapie, Les Éditions d’Organisation
Greiner, L.E. (1972), « Evolution and revolution as organizations grow », Harvard Business Review (voir également la version actualisée dans le numéro de mai-juin 1998 de la même revue).
Le storytelling est l’action de mettre en récit l’objet sur lequel la connaissance est ainsi apportée pour, en quelque sorte, le « raconter » de façon convaincante et emporter l’adhésion des auditeurs. C’est ce qui a motivé GRP Team pour créer la première application informatique mise en ligne par GRP-Lab : « GRP Storyteller » .Cette application permet à l’entrepreneur de raconter en 9 phrases, en 9 paragraphes et en 9 pages son Business Model. Ce nom a été choisi parce qu’un entrepreneur gagne à raconter son Business Model, lequel peut tout à fait être assimilé à une histoire (Magretta, 2002).
A l’oral ou à l’écrit, le récit crée du sens et permet la transmission à autrui. Or, la vocation première d’un Business Model est de rendre intelligible le business envisagé aux acteurs possédant les ressources nécessaires au projet, en espérant les enrôler dans l’histoire pour qu’ils deviennent ce qu’on appelle des parties prenantes (des parties qui prennent part aux affaires).
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« Le storytelling est une méthode utilisée en communication. Il s’inspire des schémas narratifs des contes et légendes pour structurer un récit et le partager plus efficacement (Gabison, 2013). Bien que l’on puisse aisément dresser un parallèle entre la quête propre aux mythes et l’entrepreneuriat (le créateur ou son produit en seraient par exemple les héros, les concurrents des opposants et les business angels des aides), GRP Storyteller propose une construction de récit sensiblement différente. La structure en trois temps (Génération, Rémunération, Partage) de l’application devient la trame du support que chaque créateur complétera pour construire son projet et le
communiquer, de manière à la fois universelle et unique.
Utilisé en communication politique ou en marketing, le storytelling a pu parfois être détourné de son ambition première, c’est-à-dire celle d’avoir un récit performant visant à marquer l’auditoire et à le convaincre. Tout comme un récit peut s’éloigner de la réalité, le storytelling peut conduire à la mystification, en laissant paraître des choses pour ce qu’elles ne sont pas. A titre d’exemple, la publicité pour la marque La Laitière de Nestlé joue de cette limite entre fiction et réalité en associant à la fabrication de ses produits industriels l’icône d’un tableau de Vermeer.
Il ne faudra évidemment pas inciter le porteur de projet à enjoliver son histoire. L’éthique est fondamentale pour créer une entreprise, qui plus est pérenne. La dimension Partage du modèle GRP porte cette valeur en insistant sur l’équilibre des relations avec les parties prenantes. GRP Storyteller invite à écrire son histoire le plus sincèrement possible, à son rythme, selon son inspiration et ses aspirations, l’assistant aidant le porteur de projet-narrateur à lutter contre l’angoisse de la page blanche et à rédiger un Business Model de manière efficace. »
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A vous de jouer :
1/ En quoi l’entrepreneur est-il le héros du business qu’il imagine ?
2/ Visiter le site d’entreprises (ou de marques) pour, en consultant les rubriques « Qui sommes-nous » ou « Notre histoire », identifier le storytelling afférent.
Pour aller plus loin :
Gerber W., Pic, J-C. et Voicu, A (2013), Le storytelling pas à pas, Vuibert
Gabison Y. (2013), Boostez vos présentations avec le storytelling, Eyrolles
Magretta J., (2002), « Why Business Models Matter », Harvard Business Review, 80:5, May
Les défenseurs de la langue française s’opposent à l’utilisation de termes anglais. Ces derniers sont désormais si nombreux dans la pratique, tant orale qu’écrite, qu’on peut y voir, a minima, une prudence salvatrice. Bien qu’il s’agisse de la meilleure qui puisse être proposée, la traduction de « Business Model » par « Modèle d’Affaires » n’est pas totalement satisfaisante, le mot français « affaires » ne réfléchissant pas exactement ce que recouvre le mot anglais « business » (nous verrons plus tard que le « modèle économique » n’est qu’une partie d’un Business Model).
GRP Team a donc décidé de garder l’utilisation de l’expression Business Model. Après tout, les anglo-saxons ont bien emprunté le mot français « entrepreneur» pour construire le mot
« entrepreneurship ».