Note 5.1 : Les organisations concernées par le Business Model
Note 5.2 : La proposition de valeur pour le client ou l’usager
Note 5.3 : Des méthodes pour cerner la cible, le profil de celle-ci et son intention d’achat
Note 5.4 : Organisations et revenus
Note 5.5 : La Proposition de Valeur dans la littérature sur le Business Model
Note 5.6 : De l’identique à l’innovant
Note 5.7 : Le principe de dissociation des marchés
Note 5.8 : Concilier les points de vue de l’entrepreneur et des consommateurs
Note 5.9 : Le fit, les facteurs clés de succès, et autres conceptions plus ou moins « modernisées »
Note 5.10 : Faire ou faire faire son étude de marché
Note 5.11 : Associer les clients à l’étude marketing
Note 5.12 : Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage
Note 5.13 : Convaincre de la pertinence de la proposition de valeur
Note 5.14 : La valeur pour le client, pour l’usager ?
Note 5.15 : La métaphore du roman policier
Note 5.16 : Origine de l’idée
Note 5.17 : La mise au point de l’idée
Note 5.18 : Les méthodes de créativité
Note 5.19 : La carte mentale
Note 5.20 : En soi, une idée ne se protège pas
Note 5.21 : La recherche en PI
Note 5.22: S’approcher de l’INPI
Note 5.23 : Penser au prototypage
Note 5.24 : Pour que l’idée devienne idée d’affaires, encore une étape : la transformer en offre concrète mise au catalogue
Note 5.25 : La présentation de l’idée d’affaires
Note 5.26 : Les quatre rubriques de l’opportunité à présenter aux partenaires potentiels
Note 5.27 : L’attractivité du marché
Note 5.28 : La cible
Note 5.29 : L’analyse concurrentielle
Note 5.30: Analyse de la dynamique concurrentielle pour mieux atteindre la cible
Note 5.31 : Ambition du porteur vs ambition du projet
Note 5.32 : Attitudes des porteurs de projets face à la définition de la proposition de valeur
Les partenaires d’un projet d’entreprendre, en particulier ceux sollicités pour le financer, sont particulièrement attentifs à ce qui est proposé aux clients. Ils vont en effet parier sur l’échange effectif de valeur entre l’organisation naissante, qu’il s’agisse d’une entreprise, d’une association ou pourquoi pas d’un service public 5.1, et sa cible de consommateurs 5.2. Pour convaincre ces partenaires, l’entrepreneur doit alors leur apporter tous les éléments leur permettant de croire que cette cible 5.28 va percevoir la valeur de l’offre 5.3, la désirer et, mieux, se la procurer. Selon le type de projet, sans client effectif pas de chiffre d’affaires, ou sans sociétaire pas de cotisation, ou sans usager pas de subvention. Bref, pas de revenu pourtant nécessaire à la pérennité du projet 5.4.
La valeur délivrée au client est une offre que les spécialistes du Business Model appellent « Proposition de Valeur » 5.5. Elle peut être identique à celle apportée par les concurrents ; elle peut s’en différencier ; elle peut aussi être plus ou moins singulière, ou nouvelle si l’offre est innovante 5.6. Dans tous les cas, il faut avoir ciblé les destinataires de l’offre, c’est-à-dire les consommateurs, même s’ils ne sont pas toujours ceux qui la paient … 5.7
Autrement dit, l’entrepreneur concilie son point de vue avec celui des consommateurs 5.8. Respectivement, doivent ainsi se rencontrer : le positionnement souhaité et le positionnement compris, l’offre rêvée et l’offre perçue, les avantages de l’offre identifiés par l’entreprise et le couple motivations/freins des consommateurs, l’avantage par rapport à l’offre des concurrents et le couple habitudes/insatisfactions actuelles.
Les spécialistes du marketing connaissent bien la démarche et les outils à utiliser pour apprécier cette possibilité de congruence, ou de fit 5.9. Un conseiller ou un formateur sauront les rendre accessibles à l’entrepreneur 5.10, lequel n’oubliera pas d’associer des clients potentiels à l’étude de marché, car ils aideront à la définition de la valeur qui les satisfera 5.11.
A l’issue de ce travail et sans imaginer qu’il soit définitif 5.12, l’entrepreneur présentera clairement son idée et l’opportunité d’affaires qui en découle 5.13. Ces deux temps de présentation ont comme objectif de prouver que les clients sont touchés par la valeur de l’offre 5.14 et, en conséquence, de servir à convaincre les autres parties prenantes potentielles du projet d’entreprendre.
S’agissant de l’idée, il faut tout d’abord savoir la résumer en une ou deux phrases pour que l’interlocuteur sache immédiatement de quoi il s’agit 5.15. Ensuite, quatre points peuvent être présentés :
L’origine et la nature de l’idée permettent d’identifier la motivation du porteur à vouloir développer cette idée et de comprendre pourquoi elle lui convient 5.16.
Une idée se travaille, se teste, se met au point par différents types de méthodes 5.17 , 5.18 , 5.19 ; elle se soumet à la critique en se dévoilant même si l’individu l’ayant eu craint souvent qu’on la lui dérobe. Il devra comprendre que nous vivons dans un monde où, entre autres, l’information circule à une vitesse conduisant plusieurs personnes à avoir la même idée dans le même temps.
Idéalement, il faudrait pouvoir protéger l’idée.
Si une idée ne se protège pas formellement 5.20, un procédé, une marque, un modèle, etc. peuvent faire l’objet d’une protection intellectuelle ou industrielle. Il faudra commencer par une étude d’antériorité 5.21 vérifiant par exemple qu’un brevet précédemment déposé n’empêche pas l’exploitation de l’idée 5.22, 5.23 .
Enfin, l’idée doit se transformer en une offre claire et compréhensible par les parties prenantes en termes de positionnement, de caractéristiques, de gamme, de marque, de logo et de prix 5.24. Evidemment, elle doit en premier lieu être comprise par la cible 5.25.
S’agissant de l’opportunité d’affaires 5.26, au moins les quatre points suivant méritent d’être expliqués pour convaincre un partenaire :
Pour montrer que le marché est attractif, il faut réunir des informations de nature qualitative et de nature quantitative permettant de l’apprécier de façon globale. Cette appréciation porte notamment sur la structure, l’évolution et le volume des ventes du marché. Les références des sources d’informations utilisées doivent être légitimes et citées 5.27.
A propos de ce marché, la question que se posent alors les partenaires potentiels est la suivante : en quoi le projet intéresse-t-il un nombre suffisant de consommateurs ou d’usagers pour être viable ? La réponse donnée, que seul un accès au terrain permet d’apprécier, cerne la cible en termes de taille, de caractéristiques, de besoins et de comportement 5.28.
L’existence d’une concurrence, particulièrement lorsque celle-ci semble réussir, prouve qu’il y a un marché. Par une analyse comparative d’un ensemble de critères pertinents, il s’agit de positionner l’offre par rapport à celle des concurrents 5.29 et d’expliquer pourquoi et comment la cible sera atteinte 5.30.
Enfin, l’ambition du projet n’est pas sans influencer le Business Model. Par exemple, partant apparemment d’une même idée, un individu se lançant dans la création d’une sandwicherie peut vouloir « gagner sa croûte » en ouvrant un point de vente, tandis qu’un autre ambitionnera de concurrencer les leaders du secteur en implantant des franchises partout dans le monde 5.31. Le Business Model étant une représentation partagée, le second cas nécessite de convaincre un nombre bien plus important de parties prenantes 5.32.
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En aucun cas ce chapitre relatif à la Proposition de Valeur ne saurait remplacer un manuel de marketing ou les conseils prodigués par un expert dans ce domaine ; il n’épuisera d’ailleurs pas les thèmes appelés par cette discipline à convoquer pour servir la mise au point des projets entrepreneuriaux. Le marketing est particulièrement concerné puisque la Proposition de Valeur réfère essentiellement à la valeur apportée aux clients ou aux usagers. S’il faut rappeler que dans notre conception de l’entrepreneuriat, toutes les parties prenantes tirent de la valeur du projet d’entreprendre lorsque celui-ci est pensé pour durer, les cibles visées sont, dans ce chapitre, les consommateurs de l’offre.
Si le présent propos est tenu dans la composante Proposition de Valeur, il ne lui est pas réservé. Toutefois, il nous a semblé judicieux de commencer par un rappel s’agissant des organisations pouvant mobiliser le BM, le mot Business de l’expression pouvant faire croire, à tort, qu’elle est réservée aux firmes. Les associations, les services publics, toutes les organisations relevant de l’entrepreneuriat social, etc. peuvent grandement bénéficier des apports du BM.
Le mot organisation est polysémique et son sens, dans le titre de cette note, concerne les formes institutionnalisées naissant du phénomène entrepreneurial: entreprise, association, département d’un service public ou d’une organisation privée, etc. Si la création d’une entreprise reste la manifestation la plus spectaculaire du phénomène, celui-ci génère également des organisations différentes dont l’impulsion (c’est-à-dire leur émergence puis leur développement plus ou moins durable) peut se déployer au sein d’une structure préexistante ou s’appuyer sur elle (reprise, intrapreneuriat). Le BM GRP sert ces différentes dynamiques et formes d’entreprendre.
Ceci étant dit, pour les porteurs de projets aboutissant par exemple à des associations ou, plus largement, opérant avec des motivations qui ne sont pas d’ordre pécuniaire au sens généralement porté par une firme managériale, et sans évidemment omettre la part d’économique qui peut être mise au service d’un projet social (tel que les promoteurs de l’entrepreneuriat social le défendent), le mot «business » de l’expression BM pose parfois, a priori, problème (nb : dans une firme managériale, la propriété de l’entreprise, par la détention de parts de son capital social, est séparée de la fonction de direction endossée par un manager recruté pour accroître la valeur du capital). Nous avons pu, une fois de plus, le constater récemment, lors d’une réunion dont l’ordre du jour concernait des projets universitaires. Une participante a réagi à l’expression BM en contestant l’idée qu’elle puisse faire du business. Cette position appelle une explication sur l’origine de cette expression (et éventuellement invite à la lecture des deux premiers chapitres de cet ouvrage), pour ensuite montrer que le concept garde toute sa pertinence quel que soit le type d’organisation concernée et quelle que soit la finalité poursuivie.
L’équipe Entrepreneuriat de l’IRGO a pu le constater en travaillant avec des associations et des entreprises relevant de l’entrepreneuriat social (voir par exemple Boncler, 2018 ainsi que quelques cas mis en ligne lien) ou certains projets portés par des institutions publiques.
Certes, avec le concept de BM, le registre lexical retenu est celui de l’entreprise, mais le modèle GRP convient parfaitement au domaine associatif et plus largement aux projets de l’économie sociale et solidaire, de l’entrepreneuriat social, de l’entrepreneuriat public, etc. notamment grâce à la place accordée aux liens entre les composantes. A ce propos, les porteurs de projets sociaux ou publics sont particulièrement sensibles aux liens entre la Proposition de Valeur et les composantes de la dimension Partage du BM GRP (les parties prenantes, les conventions, l’écosystème), le nom donné à cette dimension témoignant du caractère écologique de notre conception du BM. Après s’être accommodés de l’acception plus large des mots « entrepreneurs » et « entrepreneuriat », il n’y a pas si longtemps encore trop associés aux seuls dirigeants d’entreprise, ces porteurs composent plus facilement avec l’idée que leur projet se professionnalise, que l’économique peut être un outil pour penser la pérennisation de projets sociaux (les sources des revenus s’hybrident, notamment, pour certains projets, devant la baisse des subventions publiques), qu’ils participent au renouveau de la figure de l’entrepreneur. Quel que soit le projet, il faut réunir des ressources et organiser celles-ci pour produire de la valeur pour ceux à qui il s’adresse (clients, usagers, membres, …). Certes, les expressions « modèle d’entreprendre » ou « modèle d’entrepreneuriat » conviendraient peut-être davantage que «Business Model », mais ce ne sont pas celles qui se sont diffusées.
A vous de jouer :
1/ Dans le contexte d’un projet associatif, comment composer avec les expressions : clients, produits, marketing, chiffre d’affaires, concurrence, ambition, marché, cible, … ?
Pour aller plus loin :
Boncler, J. (2018). « Etudes de cas pour explorer la singularité des associations de l’entrepreneuriat social », Congrès International Francophone sur l’Entrepreneuriat et la PME, Toulouse
Cette note touche à l’acception du mot valeur 3.2. Ici, l’accent est mis sur la valeur apportée aux clients (ceux qui paient) ou aux usagers (ceux qui utilisent). Une étape importante de la formulation de la Proposition de Valeur consiste à identifier ces clients. Il s’agit de « cibler » la clientèle. Ceci dit, la Proposition de Valeur est également sous contingence de l’observateur. Le point de vue de l’entrepreneur n’est pas forcément identique à celui du consommateur, ou à celui du financeur, etc. Selon le bon sens que nous octroyons à l’expression, la Proposition de Valeur exprime ce que le projet propose au client ou à l’usager en insistant sur la valeur que celui-ci devrait y percevoir. En effet, s’il ne perçoit pas cette valeur, peu de chance qu’il consomme. Ce chapitre insiste sur les méthodes à mettre en œuvre pour jauger de la perception de cette valeur par le consommateur. L’entrepreneur se dispensant de déployer ces méthodes prend deux risques. Le premier est de ne pas s’inscrire dans le processus itératif de construction de l’offre inhérente aux démarches marketing. Ces dernières sont éprouvées et participent à la définition de la valeur de la proposition en conduisant l’entrepreneur à s’approcher des consommateurs, à les écouter, à les comprendre, etc. Le second risque est de ne pas convaincre les partenaires ne pardonnant pas l’absence de méthodes considérées comme utiles et nécessaires.
Certes, quel que soit le point de vue, la valeur est une perception plus ou moins consciente du rapport entre un usage, voire un désir, et un coût (financier, cognitif, …). Il s’avère important de cerner le profil des clients ou des usagers afin de construire une Proposition de Valeur conciliable avec leur demande ou leur désir exprimés ou latents. A cette fin, de manière générale, on s’accorde à apprécier l’attractivité du marché puis à mettre en œuvre une méthode visant à évaluer la capacité de la Proposition de Valeur à intéresser un nombre suffisant de clients (Krémer, 2010).
Ainsi, lorsque la Proposition de Valeur du BM d’un projet de création d’entreprise est appréciée, c’est avant tout ce qui est proposé au client ou à l’usager qui est évalué. L’entrepreneur déploie alors les arguments (souvent les résultats de ses approches du terrain) montrant que cette proposition a de la valeur pour la cible visée et qu’il est raisonnable de parier sur sa consommation.
A vous de jouer :
1/ Trouver des exemples de produit ou de service dont la valeur ne semble pas avoir été perçue par leurs destinataires.
Pour aller plus loin :
Krémer, F. (2010), « Phase 2 : l’opportunité d’affaires », dans Verstraete, T. (dir), Préparer le lancement de son affaires – méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, de Boeck
Le chapitre 4 de cet ouvrage s’est consacré à la figure de l’entrepreneur. Le profil de celui-ci (traits, attitude, compétences, intention) a fait l’objet d’une longue note 4.5. Mais s’il y a bien un autre profil qui intéresse particulièrement les partenaires, notamment les financeurs du projet, c’est celui des consommateurs, qu’il s’agisse de clients au sens traditionnel du terme (que ce soit en B to C ou en B to B) ou d’usagers (par exemple ceux d’un service public). S’intéresser au profil des consommateurs, c’est essentiellement tenter de mettre au jour des typologies ou des catégories (pour une illustration, voir ici).
Si le profil de l’entrepreneur est étudié pour apprécier, entre autres, son intention d’entreprendre, le profilage du consommateur cerne les acheteurs potentiels pour comprendre leur intention d’achat. Cette intention se conceptualise la plupart du temps en partant de la théorie de l’action planifiée (Ajzen, 1985, 1991), elle-même extension de la théorie de l’action raisonnée (Ajzen et Fishbein, 1980 ; Fishbein et Ajzen, 1975). Nous ne nous attardons pas sur ce détour théorique pour, plus prosaïquement, rappeler que le profilage du consommateur a deux fonctions. La première est de concilier un ensemble d’éléments entre ce que croit l’entrepreneur et ce que perçoit l’acheteur potentiel. La seconde concerne la mise en place d’actions influençant l’intention d’acheter et le passage à l’acte (il s’agit d’étudier le comportement du consommateur, un concept différent de l’intention d’achat à laquelle il est toutefois relié). Pour ces deux fins, le marketing a éprouvé des méthodes qualitatives et quantitatives dont la plupart restent, dans leur nature, tout-à-fait exploitables lors d’un projet de création d’entreprise mais, dans leur mise en œuvre, parfois bien difficiles à déployer faute de compétences, de moyens, de temps, etc. Si certains projets entrepreneuriaux ont pu être des réussites sans qu’une étude de marché ne soit déployée, il serait particulièrement risqué de généraliser l’option consistant à croire que la seule façon de savoir si l’affaire va marcher, c’est d’essayer. Les méthodes qualitatives et quantitatives sont présentées dans l’encart suivant.
Il ne faudra pas confondre les deux démarches, présentées dans l’encart, avec les très nombreuses méthodes mises au point pour étudier le consommateur (analyse conjointe, arbre de segmentation, analyse des cohortes, … lien). Il s’agit, ici, de passer d’une idée d’affaires à une opportunité d’affaires (Krémer, 2010, p.57).
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Méthodes qualitatives, méthodes quantitatives en marketing (Krémer, 2010)
« Dans le cas particulier d’un projet de création d’entreprise, le recours à des études de marché qualitatives a pour but principal de déterminer si l’idée de départ intéresse des consommateurs potentiels. Plus précisément, il s’agit, en quelque sorte, de «prouver» que le projet initial, dans ses hypothèses les plus fines, apporte de la valeur à des consommateurs dont les besoins sont ainsi révélés. Une étude qualitative aura atteint son but si elle parvient à mettre en évidence les avantages recherchés par les consommateurs, le processus de sélection entre des offres concurrentes, les motivations des consommateurs à l’achat du produit considéré (c’est-à-dire les raisons, qui vont les conduire à choisir l’offre du créateur pour répondre à leurs besoins), les freins (les facteurs qui, à l’inverse, peuvent éloigner les consommateurs du produit) et les attitudes face au produit/ service (croyances sur l’offre, sentiments à l’égard de l’offre et prédisposition à l’achat). De surcroît, une étude qualitative permettra, en recueillant le discours des consommateurs, de vérifier que le créateur et ses futurs clients parlent bien le même langage.
À l’issue de l’étude qualitative, il n’est pas rare que le créateur perçoive un décalage entre son offre et les attentes des consommateurs. S’est-il trompé de cible ? A-t-il sous-estimé la satisfaction apportée par les offres concurrentes ? A-t-il négligé des éléments déterminants dans les critères de choix du consommateur ? En ce sens, la phase exploratoire est égale- ment l’occasion de reformuler une idée défaillante jusqu’à sa validation par le marché (cf. Encadré 10). À l’inverse, il peut arriver que les consommateurs révèlent au créateur un besoin non satisfait, auquel il n’avait pas pensé, pouvant judicieusement être intégré dans la définition de l’offre.», (Krémer, 2010, p.82).
Après avoir traité l’utilité des méthodes qualitatives pour un projet de création d’entreprise, Florence Krémer répond aux questions suivantes à leur propos : quelles sont ces méthodes ? Qui interroger? Combien de personnes interroger ? Comment les interroger ? Elles posent ensuite les mêmes questions à propos des méthodes quantitatives.
« De manière générale, les études quantitatives en marketing consacrées à la consommation permettent de mesurer de nombreux indicateurs sur les attitudes des consommateurs envers les produits/services (que connaissent-ils des produits? Qu’aiment-ils dans ces produits ? Quelles sont leurs intentions d’achat envers ces produits ?), leurs habitudes de consommation et le processus d’achat (fréquence d’achat, quantités achetées, point de vente fréquenté, dépenses moyennes, recherche préalable d’informations) et leur profil (données sociodémographiques concernant usuellement l’âge, le sexe, la catégorie socioprofessionnelle et l’habitat).
Dans le cadre d’une création d’entreprise, ces données méritent d’être recueillies par le créateur pour améliorer la connaissance qu’il a de son marché. Néanmoins, le porteur de projet n’oubliera pas que, avant d’être descriptive, une étude quantitative liée à une création d’entreprise vise avant tout à estimer la taille du marché futur à des fins de chiffre d’affaires potentiel.
Plusieurs indicateurs peuvent permettre au créateur d’y parvenir. Le premier d’entre eux est l’intention d’achat des consommateurs concernant le futur produit/service : en sondant directement les répondants sur leur intention d’acheter son offre, le créateur estime le nombre de consommateurs se déclarant prêts à devenir clients. Le créateur pourra ensuite comparer le résultat obtenu avec la proportion de personnes qui disent consommer les produits concurrents pour calculer sa part de marché potentielle. Une étude quantitative peut également tester le degré d’adhésion des consommateurs aux éléments de la politique commerciale, tels que le nom de marque pressenti, le prix que les consommateurs sont prêts à payer pour le nouveau produit, les circuits de distribution compatibles avec l’offre ou les médias les plus pertinents pour toucher la cible. Le prix moyen accepté par les consommateurs, appelé prix psychologique (cf. Phase 4, section 2.2, Le positionnement commercial), est particulièrement important puisque, multiplié par les volumes de ventes prévisionnels, il déterminera directement le montant du chiffre d’affaires potentiel. »
Krémer, 2010, p.87-88
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Pour aller plus loin :
Ajzen, I. (1985). « From intentions to actions: A theory of planned behavior ». dans Kuhl, J. et Beckmann, J. (Eds.), Action Control: From cognition to behavior, Heidelberg: Springer, p.11- 39.
Ajzen, I. (1991). « The theory of planned behavior », Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. 50, p179-211.
Ajzen, I., Fishbein, M. (1980). Understanding attitudes and predicting social behavior. Englewood Cliffs, NJ: Prentice-Hall (source : Ajzen, 1991).
Darpy, D. (1997). « Une variable médiatrice du report d’achat : La procrastination », 13ème Congrès International de l’AFM, Toulouse.
Fishbein, M., Ajzen, I. (1975). Belief, attitude, intention, and behavior: An introduction to theory and research. Reading, MA: Addison-Wesley (source : Ajzen, 1991).
Krémer, F. (2010), « Phase 2 : l’opportunité d’affaires », dans Verstraete, T. (dir), Préparer le lancement de son affaires – méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, de Boeck
Krémer, F. (2010), « Phase 4 : la vision stratégique – étape 2 : le positionnement commercial », dans Verstraete, T. (dir), Préparer le lancement de son affaires – méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, de Boeck
La nature des revenus varie, entre autres, selon le type d’organisation. Tandis que l’entreprise à but lucratif s’attache à développer son chiffre d’affaires, en variant, quand cela est possible, les sources de celui-ci (en élargissant sa gamme, ses territoires, ses clients, etc.), une association récolte des adhésions, des bénéfices d’événements organisés ponctuellement pour collecter des fonds, éventuellement des subventions d’exploitation. Ces subventions intéressent de nombreux projets relevant de l’entrepreneuriat social ou culturel (publics ou privés), lesquels, confrontés à la raréfaction des fonds publics, hybrident désormais de façon croissante les sources de revenus.
L’idée n’est pas ici de réaliser un Etat de l’Art, c’est-à-dire de restituer de façon la plus exhaustive possible ce que la littérature consacrée au BM dit sur la Proposition de Valeur, mais de restituer ce qu’en disent quelques auteurs clés du domaine.
La Proposition de Valeur est un concept central dans de nombreuses approches du business model (Di Tullio et al. 2018). L’analyse de la littérature sur le BM révèle en effet qu’une attention particulière est portée sur le rôle du consommateur (Zott et al. 2011), la Proposition de Valeur étant vue, dans son acception la plus simple, comme l’ensemble des produits et/ou services qu’une organisation offre à ses clients (Alt et Zimmermann 2001 ; Petrovic et al. 200 ; Arlotto et al. 2011). La Proposition de Valeur correspond plus précisément à la valeur que l’offre proposée génère pour les consommateurs (Chesbrough et Rosenbloom, 2002) et c’est grâce à cette valeur créée qu’une organisation est en mesure de générer des revenus (un chiffre d’affaires) et d’asseoir sa réussite économique (Demil et Lecoq 2010 ; Applegate 2001). « Pas de business model à succès sans une bonne Proposition de Valeur » pourrait être un adage communément admis par la communauté des chercheurs étudiant les business models (Teece 2010 ; Chesbrough et Rosenbloom 2002). La nature centrale de la Proposition de Valeur dans un business model se traduit de manière visible lorsqu’elle apparaît comme l’une des composantes des grilles d’analyse proposées pour analyser un BM (Demil et Lecoq 2010 ; Verstraete et al. 2017 ; Osterwalder et Pigneur 2010 ; Morris et al. 2005).
Pour aller plus loin :
Alt R.and Zimmermann H. (2001), Introduction to special section – Business Models, Electronic Markets – The International Journal, 11(1), 1-13.
Applegate L. M. (2001), Emerging Networked Business Models: Lessons from the Field, Harvard Business School Cases.
Arlotto J., Sahut J.-M. et Teulon F. (2011), Le concept de Business Model au travers de la littérature, Gestion 2000, 2011/4 (Volume 28), 33-47.
Chesbrough H. et Rosenbloom R. S. (2002), The role of the business model in capturing value from innovation: evidence from Xerox Corporation’s technology spin-off companies, Industrial & Corporate Change, 11(3), 529-555.
Demil B., Lecocq X. (2010), Business Model Evolution: In Search of Dynamic Consistency, Long Range Planning, 43(2/3), 227-246.
Di Tullio P., Valentinetti D. et Rea M.A. (2018), Integrating The Business Model Puzzle: A Systematic Literature Review, International Journal of Business Research and Management, 9(1), 1-46.
Morris M.H., Shirokova G. et Shatalov A. (2013), The Business Model and Firm Performance: The Case of Russian Food Service Ventures, Journal of Small Business Management, 51(1), 46-65.
Osterwalder, A. Pigneur, Y. (2010), Business model generation: a handbook for visionaries, Game changers, and challengers, Wiley.
Petrovic O., Kittl C. et Teksten D. (2001), Developing Business Models for e-Business, International Conference on Electronic Commerce, Vienna, October 31–November 4.
Teece D.J. (2010), Business Models, Business Strategy and Innovation, Long Range Planning, 43(2/3), 172-194.
Verstraete T., Jouison-Laffitte E., Krémer F. et Hlady-Rispal M. (2017), Assessing business model relevance for business leaders in the construction industry, International Journal of Entrepreneurship and Small Business, 30(1), 58-79.
Zott C., Amit R. et Massa L. (2011), The Business Model: Recent Developments and Future Research, Journal Of Management, 37(4), 1019-1042.
Une organisation peut délibérément choisir d’imiter une offre existante pour peu que celle-ci ne fasse pas l’objet d’une protection sur le territoire concerné (cf. brevet). Une autre aura développé une idée plus ou moins radicalement innovante à laquelle elle tente de faire adhérer la cible visée (et les partenaires pressentis). Enfin, une troisième peut envisager de combiner les deux. Ce triptyque n’épuise pas les possibilités.
Il est souvent possible de considérer que tout projet entrepreneurial comporte une part de nouveauté pour la zone de chalandise visée. Mais notre propos consiste ici à inciter à en apprécier le caractère innovant pour situer, le cas échéant, l’offre sur un continuum partant de l’innovation incrémentale pour aller jusqu’à l’innovation radicale. Le créateur d’entreprise tâchera ainsi d’apprécier le degré effectif d’innovation de son offre car ce n’est pas anodin en matière d’études de marché, celle-ci étant plus délicate lorsque ce degré est fort. On pourra croiser, comme le fait Pinard-Legry (2007), le degré d’innovation perçu par le créateur et le degré d’innovation perçu par les acteurs du marché pour dégager les quadrants suivants : le cas où il y a peu ou pas d’innovation, celui où l’innovation est importante, le cas où le créateur sublime le caractère innovant de sa proposition, celui où, à l’inverse, il sous-estime ce caractère.
Il est plus difficile de faire adhérer les acteurs à une innovation dans un contexte où les conventions sont profondément ancrées dans leur comportement et lorsque le réseau d’affaires est à la fois dense et fortement connecté. Un nouveau produit peine à se faire une place, sa légitimité étant davantage questionnée. Il en est de même pour des BM innovants (lesquels ne se basent pas forcément sur un nouveau produit mais sur une façon originale de concevoir une composante du BM ou le système de relations entre les composantes du BM).
Enfin, deux points sur lesquels nous reviendrons également (chapitre 13). Le premier concerne la légitimité d’un BM innovant. Le second porte sur l’outil BM qui ouvre des perspectives nouvelles en matière d’innovation, en jouant avec, à la fois, le contenu et les relations entre les composantes du BM. Autrement dit, sans que le produit soit intrinsèquement innovant, le BM peut l’être.
Pour aller plus loin :
Pinard-Legry J. (2007), « Les outils de validation avant le passage à l’acte », Les Échos – l’Art d’entreprendre 3/5, 14 juin
Tous les BM ne reposent pas sur le schéma commercial traditionnel de l’usager final payant pour le produit ou le service rendu. Il arrive que d’autres acteurs d’une filière paient, en quelque sorte, « à la place » du destinataire de l’offre, entraînant une forme de dissociation des marchés (cf. encart).
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La dissociation des marchés (Benavent, Verstraete, 2000)
« Dans les marchés traditionnels, innover consiste à bien identifier le segment des innovateurs, à définir précisément les caractéristiques fonctionnelles requises, à établir un prix acceptable et à être capable de prévoir raisonnablement le rythme de diffusion des produits. La plupart du temps, l’entrepreneur fera peser le coût du développement sur les premiers utilisateurs.
Dans la net-économie, les choses semblent être inversées puisque l’utilisateur final, même s’il est pionnier, n’est généralement pas prêt pour le produit ou le service qui lui est rendu. La réponse à cette problématique suppose de proposer de nouvelles solutions sur la base du principe général de dissociation des marchés, lequel peut prendre plusieurs formes.
La première consiste à dissocier les produits en une partie « serveur » et une partie « client ». Acrobat, Netscape, Explorer en sont des exemples. L’utilisation du logiciel est gratuite pour le client mais l’accès au serveur distribuant les informations lisibles par ces logiciels est payant. Cette décomposition concerne également les biens tangibles. L’exemple de la téléphonie mobile est lumineux, le portable étant quasiment parfois quasi-gratuit mais le service payant. Cela peut également se traduire par la dualité classique des médias : les revenus proviennent de la publicité dont la valeur tient à la capacité d’attention créée par un contenu informationnel gratuit.
De manière plus générale, les politiques de versioning telles que les promeuvent Shapiro et Al Varian (1998) permettent, entre autres, de financer le développement du service par quelques clients qui paieront très cher des versions initiales et complètes, alors que la grande masse des utilisateurs peut utiliser le service pour des montants modiques. La dissociation des marchés s’accompagne aussi d’inversion des marchés. Les groupements d’achat, à l’exemple de cluster.com, figurent parmi les inventions (mais en sont-elles réellement ?) les plus notables. Le client devient pour ces regroupements une sorte de fournisseur. La question de savoir qui doit payer le service se pose à nouveau (en l’occurrence: l’acheteur ou le vendeur ?). Pour le même service, elle ne se posera d’ailleurs pas qu’une fois. En effet, les phases de mise sur le marché peuvent inciter à faire payer le vendeur dans un premier temps, l’acheteur dans un second. »
p.92 et 93
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L’encart précédent, reprenant une publication datant de 2000, propose un contenu pouvant alerter, au moins informer. Depuis, les évolutions ont été importantes et les situations de gestion afférentes à la net-économie se sont fortement complexifiées. On lira avec grand intérêt Plateformes, un ouvrage récemment écrit par l’un des auteurs qui montre une nouvelle manière de coordonner les activités économiques. Une plateforme est vue par Benavent (2016) comme un nouveau modèle productif d’organisation des entreprises et des marchés visant, sur la base d’algorithmes (par ailleurs pointés comme faillibles par l’auteur), à orienter le comportement des individus dans le sens souhaité par ceux qui gouvernent la dite plateforme. Amazon, Uber, Airbnb, Blablacar, Google, etc. mais également une bonne partie des activités d’Apple, s’inscrivent dans une telle perspective de création et de contrôle des marchés.
Benavent précise qu’une plateforme est « un dispositif qui coordonne les actions et les ressources de la foule, l’expression d’une demande, des disponibilités, du travail, des biens. Les plateformes sont constituées par un ensemble d’inventions techniques et sociales qui permettent des gains consistants de productivité dans la coordination d’une multitude de microactivités … Ce qui est spécifique, c’est la coordination, la capacité d’orchestrer un nombre considérable de relations, l’ordre de grandeur pouvant s’exprimer en dizaines ou centaines de millions … La technique permet de coordonner temporellement et de manière efficace les actions et les interactions d’un nombre très élevé d’agents, ce qui est la propriété fondamentale des plateformes. Elles célèbrent la liberté individuelle dans un modèle ultra-centralisé, elles louent le partage en stimulant une hyper-compétition » (2016, p.22, 24 et 25)
A vous de jouer :
1/ Visionner cet interview du Professeur Benavent lien
2/ Visionner cet interview du Professeur Benavent lien
Pour aller plus loin :
Benavent, C. (2016). Plateformes– sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux … Comment ils influencent nos choix, FYP Editions
Benavent, C. Verstraete, T. (2000). « Entrepreneuriat et NTIC – la construction du Business Model», dans Verstraete T. (dir), Histoire d’entreprendre – Les réalités de l’entrepreneuriat, Editions Management et Société
Shapiro, C., Varian, H. (1998), Information Rules : A Strategic Guide to the Network Economy, Cambridge : Harvard Business School Press.
Selon le Professeur Torrès (1999), le monde a vu le temps se contracter. La vitesse de diffusion de l’information (donc celle des transactions), suite au développement des technologies de l’information et de la communication, a considérablement affecté les durées, en les réduisant. Torrès ajoute que l’espace s’est dilaté, notamment par l’évolution des moyens logistiques. Ce double constat d’un temps se contractant et d’un espace se dilatant nous incite à proposer de parler de « conciliation » plutôt que «d’adéquation » entre une offre et une demande. En effet, le «plus vite plus loin » conduit à la fois le créateur et le consomateur à devoir faire un bout de chemin. Alors qu’on pourrait croire le consommateur installé dans une attente à combler, l’inflation d’offres l’incite à progresser dans ses choix et il participe de façon croissante à la définition de l’offre. Ainsi, nous préférons parler de conciliation entre une offre et une demande plutôt que de rester sur l’idée d’adéquation de l’offre à la demande. La conciliation veut, ici, avant tout dire qu’il convient, au mieux, de rendre compatibles des visions ou, a minima, de rapprocher des points de vue (notamment lorsqu’il s’agit de redesigner un BM). Elle peut nécessiter de faire appel, dans la conception de la Proposition de Valeur, à des tiers, des médiateurs et parfois des « affilieurs ». Le principe de dissociation des marchés 5.7, complète le modèle avec lequel il est utile de penser le projet.
La conciliation laisse entendre qu’un évaluateur peut comprendre que le consommateur a également, en quelque sorte, quelques pas à faire pour s’approcher d’une offre dont il percevra la valeur. L’entrepreneur sera très prudent à cet égard et la méthode mise en œuvre pour défendre cette idée sera très attentivement observée par l’évaluateur de son projet.
Plus concrètement, s’agissant de conciliation, l’épisode 5 de la saison 1 de la Web-série GRP Lab présente une scène prenant la forme d’un tableau à deux colonnes dont chaque ligne représente, selon nous, un exemple de conciliation.
Ce tableau conçu à des fins pédagogiques vise à expliquer aux étudiants ce que peut être la trame du guide d’entretien d’une étude qualitative pour tester sin offre auprès des consommateurs. Dans le cadre d’un cours de marketing entrepreneurial, elle explique que ce schéma offre une double lecture.
La première lecture prend la forme d’une boucle partant du haut de la colonne de gauche pour réaliser un premier parcours, descendant. Ainsi, partant d’un positionnement souhaité, l’entrepreneur construit une offre dont il sait exprimer les avantages par rapport à une concurrence étudiée. Cette lecture est ensuite confrontée aux consommateurs, par une lecture cette fois ascendante partant du bas de la colonne de droite. Le guide d’entretien comporte ainsi des éléments permettant d’identifier les insatisfactions des consommateurs, lesquelles découlent de leurs habitudes de consommation. Il s’agit ensuite de relever les motivations et les freins à l’achat, la façon dont les caractéristiques de l’offre présentée aux consommateurs sont perçues par ceux-ci, tout comme le positionnement. Ainsi, par rapport à une première définition de l’offre, la confrontation de celle-ci aux consommateurs, par entretien, permet de tirer des enseignements engageant, souvent, l’entrepreneur à une nouvelle lecture descendante (colonne de gauche) pour travailler et préciser une offre susceptible de rencontrer les consommateurs.
Il s’agit de procéder à la seconde lecture proposée par ce schéma, de rapprocher les deux items de chaque ligne : le positionnement souhaité est effectivement perçu par les consommateurs, tout comme les caractéristiques de l’offre ; ses avantages répondent aux motivations des consommateurs et l’avantage concurrentiel est effectif.
A vous de jouer :
1/ Pensez-vous que la démarche marketing vise à répondre à une demande ou, selon les contextes, plutôt à formuler une offre ?
2/ Comment la notion de conciliation peut-elle intervenir ?
Pour aller plus loin :
Torrès, O., (1999), Les PME, Editions Flammarion, Collection Dominos
La notion de fit est souvent associée au modèle SWOT, l’un des plus connus en gestion, acronyme de Strengths (forces), Weaknesses (faiblesses), Opportunities (opportunités), Threats (menaces). La mobilisation du SWOT sans la notion de fit trahit une utilisation anecdotique du modèle et fournit une analyse discutable.
Le modèle SWOT est dit «d’adaptation » dans la mesure où l’organisation de l’entreprise (diagnostiquée par l’analyse de ses forces et de ses faiblesses) doit s’adapter aux exigences de l’environnement (analysé selon les opportunités qu’il offre et les contraintes qu’il comporte). Les stratèges de l’entreprise s’efforcent de rendre l’organisation congruente à l’environnement, de sorte à pouvoir saisir les opportunités que ce dernier offre en évitant les menaces qu’il présente. L’adaptation se réalise en tentant de développer les forces de l’organisation et de minimiser ses faiblesses.
Le concept de facteur clé de succès (FCS) est également souvent appelé par les stratèges pour qualifier les éléments qu’il est indispensable de maîtriser pour réussir dans le domaine d’activité visé. Autrement dit, ne pas maîtriser l’un des 5 à 6 FCS (il peut y en avoir davantage mais l’on s’accorde souvent à considérer qu’ils sont moins de 10) d’un domaine d’activité conduit inéluctablement à l’échec. A nouveau, il convient de déployer une méthode prudente d’analyse de l’environnement afin d’identifier les FCS, lesquels ne se livrent pas spontanément. Ceci dit et pour illustrer, on peut toutefois sans risque défendre l’idée que le délai de livraison est un FCS pour une société de livraison de pizzas à domicile et qu’un manque de maîtrise de ce délai conduira à l’échec, les clients se détournant d’un service trop lentement rendu. L’entreprise doit mettre les moyens pour maîtriser ce facteur et implanter un système d’information permettant aux managers de s’assurer de cette maîtrise (à l’origine, le concept de FCS provient du contrôle et des systèmes d’information ; cf. Daniel, 1961 ; Rockart, 1979). A défaut de posséder les moyens nécessaires, les ambitions seront revues.
Un FCS, pour une firme et durant la période t, est un élément qu’elle est susceptible de maîtriser et qu’elle reconnaît comme ayant un poids important pour la réalisation de son projet ; le succès étant la réalisation effective du projet (Verstraete, 1997). Nous y ajoutons, à l’instar de Bouquin (1986), le concept de facteur stratégique de risque (FSR). Un FSR correspond, pour une firme et durant la période t, à tout élément qu’elle n’est pas susceptible de maîtriser et qu’elle reconnaît comme ayant un poids important pour la réalisation de son projet ; le risque étant que le projet ne se réalise pas (ibid). Pour illustrer, les conditions météorologiques constituent un FSR pour une entreprise agricole. Elle ne peut pas maîtriser le facteur (c’est-à-dire, à souhait, faire la pluie ou le beau temps), mais elle peut trouver des parades à son influence (notamment lorsqu’elles sont néfastes, par exemple en drainant les terrains, en utilisant des serres, etc.) sans pouvoir tout contrôler (ex : les épisodes de grêle sont souvent dévastateurs dans les vignes). Autrement dit, un FCS est potentiellement maîtrisable, sous réserve d’y mettre les moyens, un FSR ne l’est pas. Un FCS peut alors se transformer en FSR si l’organisation ne s’engage pas dans sa maîtrise.
Dans les définitions précédentes, l’évocation d’une période vise à admettre une évolutivité et à considérer les environnements moins stables que ceux prévalant lors de l’apparition des concepts ici évoqués. Il convient d’ailleurs d’appréhender à la fois l’actualité et la vélocité de l’environnement pour ne pas produire une offre incomprise (ex : lorsque le marché n’est pas prêt) ou dépassée (l’organisation restant trop attachée à vouloir vendre une offre qu’elle a mis du temps à concevoir). Le verbe « reconnaître », utilisé dans ces mêmes définitions, propose une perspective cognitive des FCS. En ce sens, un FCS est une interprétation et une entreprise peut vouloir fonder sa réussite sur un ensemble de FCS non identique à celui de ses concurrents. Cette perspective cognitive, certes, dénature en partie les soubassements épistémologiques sur lesquels repose le concept de FCS.
Aujourd’hui, si de nombreux environnements semblent beaucoup plus agités, entre autres en raison des rythmes imposés par les innovations technologiques ou sociales, les réflexions visant à apprécier si les capacités de l’organisation lui permettent de répondre aux exigences du marché gardent une pertinence liée à un certain bon sens. Par contre, le créateur fera preuve de prudence dans la mobilisation de concepts dont l’utilisation a pu s’apprécier pour des environnements plus stables. Si le modèle SWOT est encore très utilisé, nous avons pu constater quelques acrobaties à le mobiliser dans le cadre d’environnements véloces pour lesquels parler d’adaptation est parfois inapproprié.
Si le concept de FCS peut être actualisé en lui appliquant une perspective cognitive, la notion de fit peut également être «modernisée ». Ainsi, suite à une proposition de Marc Andreessen (fondateur de Netscape), l’univers des start-ups a relayé la notion de « product/market fit », laquelle peut être vue comme une actualisation de la notion de fit dans la mesure où elle insiste sur la démarche à conduire pour trouver l’offre qui paraîtra comme une évidence à la cible finalement visée. Il n’est pas rare que l’entreprise doive pivoter, voire qu’elle accepte la construction d’un « chemin faisant ». Ce dernier peut se penser très tôt, notamment lors de la conception même de l’offre en procédant à des tests, par exemple en soumettant le produit non encore totalement achevé à un groupe de consommateurs (ex : version beta d’un logiciel ou d’une offre numérique).
Ces phases s’apparentent aux méthodes du lean management (Olsen, 2015). Au-delà des start-ups, toute nouvelle offre gagne à être soumise aux consommateurs potentiels avant son lancement effectif.
Avec le product/market fit, il s’agit moins de s’adapter que de trouver un point de conciliation se traduisant par une compréhension de l’offre par la cible, par les achats effectifs de l’offre et par la capacité de celle-ci à beaucoup faire parler d’elle par les acheteurs.
Nous pourrions prendre encore un exemple relatif à l’opposition entre des stratégies qualifiées de réactives (modèle d’adaptation) s’opposant aux stratégies proactives (modèle d’innovation). Bien que cela semble dater, la distinction à laquelle procèdent Hamel et Prahalad (1993) entre les stratégies de type « fit » et les stratégies de type « stretch » illustre, d’un côté, une nécessaire adaptation de l’offre et, de l’autre côté, un utile développement de compétences clés. Le stratège prend alors une perspective par les ressources 2.1.
De nombreux autres concepts de la stratégie et du marketing ont été revisités notamment par les stratèges du numérique. Ce très large domaine (large car il ne faudrait pas penser qu’aux pure players) a en effet conduit à une forme de contextualisation de modèles éprouvés. Cet effort s’est parfois réalisé aux dépens d’une intelligibilité perturbée par un jargonnage anglophone inaccessible aux néophytes qui, aux prises avec le désir d’aller vite, emploient mal les concepts. Celui de BM en est d’ailleurs un exemple…
A vous de jouer :
1/ Quels sont les facteurs essentiels qu’il vous faut maîtriser pour réussir votre projet entrepreneurial ?
2/ Quels sont les facteurs, que vous ne pouvez pas maîtriser, pouvant influencer sensiblement votre projet entrepreneurial ?
3/ La « disruption » renvoie-t-elle à un concept résolument nouveau ?
4/ De quoi s’inspire fondamentalement le «lean start-up » ? Critiquez la compatibilité de cette origine avec le contexte de la création d’entreprise ? (cette dernière question ne vise pas à décourager l’utilisation du lean start-up mais à, plus généralement, inciter le créateur d’entreprise à être critique sur l’outil mobilisé afin d’en apprécier l’apport).
Pour aller plus loin :
Bouquin, H. (1991). Le contrôle de gestion, Presses Universitaires de France
Daniel, R.D. (1961). « Management information crisis », Harvard Business Review, september-October
Hamel, G., Prahalad, C.K. (1993). « Strategy as stretch and leverage », Harvard Business Review, march-april
Lambin, J.-J., De Moeloose, C. (2016), Marketing stratégique et opérationnel, Dunod
Olsen, D. (2015), The Lean Product Playbook: How to Innovate with Minimum Viable Products and Rapid Customer Feedback, John Wiley & Sons
Krémer F. (2010), La confrontation entre l’idée et le marché, Préparer le lancement de son affaire, Verstraete T. dir, De Boeck, p.79-97
Rockart, J.F. (1979), « Chief executives define their own data needs », Harvard Business Review, march-april
Verstraete, T. (1997). « Essai de conceptualisation de la notion de facteur clé de succès et de facteur stratégique de risque ?», VIème conférence de l’Association Internationale de Management Stratégique, Montréal, juin
Ce chapitre relatif à la Proposition de Valeur a déjà largement évoqué l’utilité, pour ne pas dire la nécessité, de réaliser une étude de marché, qu’il s’agisse d’appréhender celui-ci dans ce qu’il a de générique (ex : le marché de la restauration en France) puis, plus précisément, dans ce qu’il propose de spécifique à la cible retenue (ex : le marché des coffee shops bordelais pour étudier la pertinence d’ouvrir une telle structure dans la ville de Bordeaux).
Après avoir réalisé un brief consistant à poser à la fois les raisons et la finalité de l’étude de marché, le créateur d’entreprise s’interrogera sur sa capacité à concevoir et à réaliser cette étude. Les méthodes marketing appellent des compétences que la plupart des créateurs d’entreprise ne possèdent pas et les conseils prodigués par leurs accompagnateurs ne remplaceront ni les expertises, ni les formations souvent nécessaires à la maîtrise des outils et à l’interprétation des résultats. Ceci dit, une étude qualitative consistant à aller interroger des consommateurs potentiels reste accessible, même s’il convient de veiller à ce que la forme de collecte d’informations ne conduise pas, inéluctablement, à « découvrir » ce que le créateur sait déjà. Les biais sont possibles (ex : biais de sélection de l’échantillon consistant à choisir les personnes interrogées par affinité ou par commodité liée à leur accessibilité).
Du point de vue du créateur, les avantages de réaliser par lui-même l’étude de marché résident, d’une part, dans une relative économie puisque les organisations spécialisées facturent évidemment leur prestation, ainsi que, d’autre part, dans l’obligation de comprendre l’exercice pour que l’interprétation des résultats serve effectivement le projet. Qui plus est, le fait d’avoir réalisé l’étude apporte à l’exercice de conviction lors du pitch (dit trivialement, c’est un peu l’effet « c’est moi qui l’ai fait ! »). Mais pour certains projets, notamment technologiquement innovants, les méthodes de collecte, d’analyse et de restitution des résultats nécessitent des compétences orientant le porteur vers des prestataires extérieurs. Les avantages d’un tel recours, outre l’accès à leurs compétences, résident dans le temps gagné (le créateur utilisant son agenda pour d’autres tâches), dans la légitimité apportée par le prestataire lorsque son expertise est reconnue (maîtrise des méthodes, références, notoriété, connaissance du secteur, …), dans la qualité du livrable, etc. Il est parfois possible de lever des fonds pour faire réaliser cette étude. Ce sera le cas de certains projets découlant d’une valorisation d’une recherche scientifique, les SATT (Société d’Accélération du Transfert de Technologie) pouvant faire évaluer les dossiers par un comité décidant de débloquer une enveloppe dédiée à l’étude de marché (ce déblocage de fonds peut également être destiné, selon les cas, à une recherche en propriété industrielle ou à une phase de développement technique ; l’étude de marché, la recherche en « PI » et le développement technique composent le triptyque de la maturation d’un projet de valorisation de la recherche).
Outre les cabinets spécialisés, le créateur d’entreprise pensera, selon le projet, au recrutement d’un stagiaire ou à la sollicitation d’une junior-entreprise.
Enfin, délégation ne veut pas dire démission et outre l’implication dans le brief dont il doit être l’auteur principal, le créateur écoutera son conseiller tentant de lui rendre accessible l’incontournable approche marketing. Il s’inscrira aux ateliers programmés par la structure l’hébergeant et pourra suivre une formation plus conséquente.
Les consommateurs sont impliqués dans les études de marché dont les méthodes conduisent à les approcher pour leur soumettre, lors d’une démarche qualitative, un entretien semi-directif, un entretien de groupe ou une observation. L’entretien semi-directif établit un dialogue en face à face où le consommateur potentiel interrogé s’exprime assez longuement sur des thèmes tels que ses attentes, ses comportements d’achat, ses freins, etc. Un tel entretien s’appuie sur un guide (à ne pas confondre avec un questionnaire). L’entretien de groupe (focus groupe) peut s’avérer être un autre outil très efficace de collecte de données qualitatives. La confrontation des idées ou des perceptions entre plusieurs consommateurs potentiels apporte des éclairages différents et complémentaires d’un entretien plus classique. Enfin, l’observation permet de distinguer les discours des actes. Les avancées technologiques autorisent des phases d’observation dépassant le cadre d’une situation d’achat pour y inclure tous les moments de la vie (on consultera par exemple cet article lien), repérer les stimuli, comprendre les compétences, etc.
Dans une phase quantitative, les clients seront également sollicités mais l’expression de leur opinion ne se verra pas accorder le même espace. L’objectif visé sera plutôt de « quantifier » l’intérêt manifesté par les consommateurs potentiels, notamment dans une perspective d’estimation des volumes de revenus potentiels.
L’idée d’aller plus loin en associant le client dans l’étude vise à le déplacer d’une position de consommation à une position active par sa participation dans le choix du nom de la marque, du packaging, du slogan, etc. Plus largement, le consommateur est un générateur d’idées servant en tout ou partie l’offre existante ou l’offre nouvelle. Il devient un collaborateur de la politique essentiellement commerciale de l’organisation (les expressions « marketing participatif » et « marketing collaboratif » sont d’ailleurs équivalentes), laquelle élargit ainsi la convocation des talents. Les pratiques correspondantes se sont beaucoup développées avec internet. Ainsi, inspiré par l’open source et l’outsourcing, le crowdsourcing implique les communautés de consommateurs ou d’usagers dans la génération de nouvelles idées de produits (mais également de contenu si l’on se réfère à nouveau à l’exemple de Wikipédia). Il semble que la seule indication de la source de l’idée ait une influence positive sur les ventes lorsque le consommateur en est avisé (Nishikawa et al., 2017).
L’expression crowdsourcing est proposée par Jeff Howe dans un article intitulé « The Rise of Crowdsourcing » publié en 2006 où l’exemple des bases de données de photographies sert à distinguer l’outsourcing du crowdsourcing. Des entreprises se sont créées pour exploiter cette démarche de type crowdsourcing qui renvoie à la mobilisation d’une intelligence collective (la communauté peut réunir des amateurs et/ou des professionnels) pour fournir un contenu produit par cette intelligence et les compétences associées. Le lecteur pourra par exemple voir, derrière ce lien , comment deux start-ups peuvent imaginer la marchandisation de produits fondée sur une démarche de type crowdsourcing. Ici, pour l’une des deux entreprises, un consommateur dépose un brief et peut recevoir des propositions commerciales de la part de la communauté de professionnels (designers, graphistes, experts vidéo, rédacteurs) réunit par la plateforme Creads ( ).
Wikipédia est régulièrement cité comme un exemple emblématique d’appel aux consommateurs (usagers), mais il s’agit là de fournir du contenu et certains auteurs ne situent pas cette plateforme dans le crowdsourcing (Renault, 2014). La présente note se réfère plutôt à la définition de l’offre avec l’idée d’inciter le créateur d’entreprise à s’inspirer du crowdsourcing pour impliquer sa cible dans la définition de l’offre.
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Définition du crowdsourcing
« Le crowdsourcing est un concept qui a émergé en 2006 dans un article de Howe paru dans la revue Wired : « the rise of crowdsourcing ». Le terme « crowdsourcing» est composé de deux mots : le mot « crowd », la foule, fait référence aux individus qui participent à la démarche de création de valeur. Le terme « sourcing» se réfère à la recherche, l’évaluation et l’engagement de fournisseurs de biens ou de services. Au sens étymologique du terme, il s’agirait de l’externalisation d’activités vers la foule. Au même titre qu’un fournisseur classique, la foule est susceptible d’offrir des services de nature variée à une organisation cliente qualifiée de crowdsourcer. De nombreuses définitions permettent bien sûr d’étayer cette première approche (Howe, 2008 ; Chanal & Caron-Fasan, 2008; Lebraty, 2009 ; Sloane, 2011…). Dans une volonté de synthèse d’une littérature en ébullition, Estellés-Arolas et González-Ladrón-de-Guevara (2012) ont mené un lourd travail afin de proposer une définition intégrée du crowdsourcing. En effet, les auteurs ont fait le constat selon lequel le crowdsourcing recouvre de nombreuses pratiques. Ils soulignent alors plusieurs contradictions. Par exemple, Buecheler et al. (2010) considèrent Wikipédia comme un cas de crowdsourcing, il en est de même pour Huberman et al. (2009) s’agissant de YouTube. Or Kleeman et al. (2008) suggèrent le contraire dans les deux cas … Pour Estellés-Arolas et González-Ladrón-de-Guevara (2012), cette diversité concourt à la confusion autour du concept de crowdsourcing, lequel peut alors s’identifier à tout travail collaboratif en ligne à l’instar de la co-création ou de l’innovation par l’usage.
Pour pallier cette confusion, les auteurs proposent une définition intégrée du crowdsourcing :
«Crowdsourcing is a type of participative online activity in which an individual, an institution, a non-profit organization, or company proposes to a group of individuals of varying knowledge, heterogeneity, and number, via a flexible open call, the voluntary undertaking of a task. The undertaking of the task, of variable complexity and modularity, and in which the crowd should participate bringing their work, money, knowledge and/or experience, always entails mutual benefit. The user will receive the satisfaction of a given type of need, be it economic, social recognition, self-esteem, or the development of individual skills, while the crowdsourcer will obtain and utilize to their advantage what the user has brought to the venture, whose form will depend on the type of activity undertaken »
Estellés-Arolas & González-Ladrón-de-Guevara, 2012, p. 197.
Renault (2014, p.81-82)
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A vous de jouer :
1/ Identifier et commenter des cas d’entreprise dont l’offre est basée sur le crowdsourcing.
2/ Identifier et commenter des produits ou des services mis au point grâce à une approche de type crowdsourcing.
3/ Comment pourriez-vous vous inspirer du crowdsourcing pour préciser votre offre et anticiper son évolution ?
Pour aller plus loin :
Lebraty, J.F. (2009), «Externalisation ouverte et pérennité, une nouvelle étape de la vie des organisations », Revue Française de Gestion, n°192, p.151-165.
Lebraty, J.F., Lobre, K. (2010), « Créer de la valeur par le crowdsourcing : la dyade Innovation-Authenticité », Systèmes d’Information et Management, vol. 15, n°3, p.9-40.
Nishikawa, H., Schreier, M., Fushs, C., Ogawa, S. « The Value of Marketing Crowdsourced New Products as Such: Evidence from Two Randomized Field Experiments », Journal of Marketing Research, 54(4), p.525-539
Renault, S. (2014). « Comment orchestrer la participation de la foule à une activitéde crowdsourcing ? La taxonomie des 4 C », Systèmes d’information & management, 19(1), p.77-105
L’étude de marché, a minima l’étude qualitative, outre les résultats qu’elle produit pour la mise au point de l’offre, démontre que le créateur ne reste pas dans sa bulle interprétative ou dans les nuages de l’offre telle qu’il la rêve pour se servir aussi de ses « jambes » et ainsi aller à la rencontre des consommateurs potentiels qu’il faudra transformer en acheteurs effectifs. D’ailleurs, nous conseillons souvent, lors de ses entrainements au pitch, au créateur de rappeler cette démarche avec une phrase du type : « il ressort de notre étude qualitative, réalisée auprès de {échantillon}, que {enseignements tirés de l’étude} ». Ainsi, non seulement il exprime l’existence d’une telle étude, mais il explique à la fois en quoi et comment les résultats de celle-ci ont servi la mise au point de l’offre. Si cela participe à l’exercice de conviction déployé devant des parties prenantes potentielles, c’est une garantie de lucidité pour le créateur lui-même. Dans le même temps, ces résultats valent pour cette étude, sur un échantillon à un moment donné. Sans aucun doute, les rythmes avec lesquelles les éléments évoluent doivent conduire à régulièrement procéder à une nouvelle étude qualitative, combinée cette fois à une étude de la satisfaction des clients ou des usagers. Il n’est d’ailleurs pas rare qu’une fois le projet lancé, les compétences construites sur la base des ressources effectivement réunies impliquent de devoir étudier, à nouveau, les marchés.
Si l’exercice de l’étude de marché est une convention du monde de la création d’entreprise, attendu par la plupart des parties prenantes potentielles sollicitées par un entrepreneur, sa conduite contribue progressivement à faire du porteur de projet un expert du marché et plus largement de l’environnement dans lequel il va lancer son activité.
A ce titre, la connaissance acquise pendant la conception du projet nécessite d’être par la suite constamment actualisée. L’environnement des affaires, comme tout écosystème, est en constante évolution. Les tendances du marché changent, impliquant une veille rigoureuse malheureusement parfois incompatible avec l’agenda chargé du tout nouveau dirigeant. Les besoins des clients peuvent s’amender, la concurrence va réagir à l’arrivée de la nouvelle organisation. Sur tous les sujets importants mis au jour par l’étude de marché, l’entrepreneur restera vigilant. Si le titre de cette note est, certes, un peu excessif, il évoque un texte qui, sans leçon, appelle toutefois la rigueur ; nous vous proposons, dans l’encart suivant, une trêve poétique … pour ensuite mieux reposer votre projet (ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement …).
Le chapitre 13, relatif au caractère systémique d’un BM, insistera sur l’idée que la conviction d’un BM repose à la fois sur la pertinence, d’une part, de chacune de ses composantes et, d’autre part, des liens unissant celles-ci. Autrement dit, la pertinence de la Proposition de Valeur ne repose pas uniquement sur son contenu et nécessite une approche plus globale du BM. Ceci dit, il n’est pas déraisonnable de procéder à un focus sur le contenu de la Proposition de Valeur pour en apprécier la validité au regard de ce qu’en attendent généralement les parties prenantes. A ce titre, la plupart des notes qui suivent dans ce chapitre concernent les éléments à présenter, que ce soit lors d’un pitch ou dans un document remis à la partie rencontrée. Dans cet exercice, l’exhaustivité étant vaine, les notes suivantes reprennent ce que nous exigeons, soit comme travail à réaliser (ex : mobilisation d’une méthode de créativité pour apporter à la conception du produit, du service et plus largement du BM lorsque l’exercice porte sur la globalité du projet), soit comme contenu du pitch ou du document remis au partenaire potentiel. Lors du pitch auquel nous entraînons les créateurs, 10 minutes leur sont octroyées. Ce temps est éventuellement réduit lorsqu’il s’agit de convaincre le jury d’un concours dont le cahier des charges prévoit un pitch plus court, parfois trop court. En effet, cette durée est trop souvent ridiculement étriquée afin de pouvoir écouter les nombreux participants. Si le pitch relève du bon sens lorsqu’on considère qu’il faut savoir raconter le projet, il fait parfois l’objet de dérives et d’une consécration exagérée peut-être en raison d’une inflation de concours à la création d’entreprise.
Attention, les 10 minutes évoquées correspondent à la durée de présentation du BM, le temps consacré à la Proposition de Valeur est donc plus court. Voici les rubriques de la Proposition de Valeur dont il nous plaît d’entendre le contenu.
En particulier dans le domaine public, voire plus largement dans les projets à but non lucratif, les frontières entre les notions d’usager et de client peuvent paraître floues, la première semblant parfois « contaminée» par la seconde (Chauvière, 2006). Sans verser dans les débats sociologiques et de façon plus pragmatique, le porteur d’un projet gagnera à se demander, d’une part, à qui bénéficie l’offre et, d’autre part, qui est prêt à en payer le prix. La réponse ne sera pas nécessairement la même. Les bénéficiaires de l’offre peuvent être qualifiés d’usagers : au sens premier du terme, ils font usage de l’offre. S’agissant des clients, ils perçoivent une valeur dans l’offre proposée, mais ils n’en sont pas nécessairement les bénéficiaires, du moins pas directement, même si la valeur perçue reste connectée à la satisfaction des usagers et à leur nombre. Il est également possible, ici, à nouveau d’évoquer le principe de dissociation des marchés 5.7.
A vous de jouer :
1/ Dans les trois situations suivantes, quelle distinction feriez-vous entre usagers et clients ?
• Votre entreprise organise des voyages linguistiques pour les enfants
• Vous êtes wedding planner et vous organisez un mariage
• Vous êtes fournisseur de repas pour des collectivités (Ephad et cantines scolaires)
2/ Identifiez quelques-unes des conséquences que cela peut avoir quant à la perception de la Proposition de Valeur par les uns et par les autres.
Pour aller plus loin :
Chauvière, M. (2006). « Que reste-t-il de la ligne jaune entre l’usager et le client ? », Politiques et Management Public, 24(3), p.93-108
Lors d’un pitch, il nous semble important de placer immédiatement l’auditeur dans un confort cognitif en lui révélant de quoi il s’agit. Le principe de mise en scène n’implique pas l’engagement de cet auditeur à « monter sur scène », par exemple en lui posant une série de questions avant de lui livrer un contenu soi-disant éclairant au regard des réponses apportées (encore faut-il que celles-ci le permettent). Outre le fait que certains n’apprécient pas d’être ainsi sollicités (autant donc éviter ce biais), l’individu aime généralement être guidé du début à la fin de la présentation (il vaut mieux le voir sourire que de froncer les sourcils). Dans la mesure où le temps consacré à l’écoute d’un projet est parfois très court, autant optimiser la durée afférente en installant confortablement le partenaire potentiel dans l’intelligibilité du projet plutôt que de dérouler un fil discursif énigmatique. En référence à la métaphore du roman policier, l’auditeur sera davantage situé au début d’un épisode de la série « Columbo », où le coupable, les circonstances du meurtre et parfois même le mobile sont connus dès les premières minutes de l’épisode, que dans un roman d’Agatha Christie, où les indices permettant de connaître ces éléments sont distribués tout au long de l’écrit pour que le lecteur, volontairement baladé, découvre en fin de propos le dénouement de l’intrigue. Les contextes ne sont certes pas les mêmes, mais notre expérience nous a, à plusieurs reprises, placés en situation d’écouter des candidats loin de posséder les qualités de la célèbre romancière …
A vous de jouer :
1/ Proposez la phrase ouvrant la présentation de votre projet, comme nous la restituent ici deux porteurs de projet :
« Bonjour, je m’appelle Mohammed et j’ai créé citiZchool, un programme extra-scolaire qui permet aux jeunes d’expérimenter des métiers pour les aider ainsi à bien choisir leur orientation professionnelle, et même d’acquérir les soft-skills nécessaires pour s’y épanouir ». Mohamed Ajoulou
« Bonjour et merci d’être présents aujourd’hui pour m’écouter défendre les couleurs de UNTIL qui est une marque de vêtements dont la particularité est d’être unisexe, c’est-à-dire pouvant être portés indifféremment par une fille ou un garçon ». Margaux Juranville
La croyance dans la possibilité qu’une idée absolument géniale apparaisse soudainement, telle une fulgurance, dans l’esprit d’un individu, risque de conduire le candidat à l’entrepreneuriat à attendre longtemps qu’elle surgisse. Certes, nous avons tous des idées que l’on croit soudaines. Elles sont plutôt le résultat d’un processus inconscient, résultat révélé certes lors d’un moment de conscience, mais non forcément choisi. Autrement dit, il suffit de s’attaquer, consciemment, à un problème pour que notre univers cognitif se mobilise et si les périodes dédiées à la résolution du problème ne permettent pas toujours l’expression de la solution, le processus est enclenché. Ainsi, il est possible d’être occupé à une autre tâche et, « Eurêka », cette solution (sans doute une parmi d’autres) se manifeste. Ce que nous voulons dire, ici, c’est que pour trouver une idée, encore faut-il s’engager dans sa quête.
L’origine d’une idée d’affaires apporte des informations sur le contexte du projet et la capacité du porteur à le porter. Pour les partenaires potentiels, l’origine de l’idée renseigne sur l’adéquation entre le créateur et l’idée. Autrement dit, lors de l’exercice de conviction, l’entrepreneur ne livrera pas uniquement la source de l’idée d’affaires, il inclura à son propos les éléments démontrant que cette idée lui va bien …
La personne à la quête d’une idée se placera en état de veille permanente et fera preuve de curiosité pour identifier une idée pouvant devenir une affaire potentielle, en retenant qu’une idée n’est pas encore une idée d’affaires. Elle pourra y prétendre une fois les 4 rubriques suivantes renseignées : origine de l’idée, mise au point de l’idée, protection de l’idée (quoique nous verrons que cette expression est exagérée), transformation de l’idée en offre (c’est-à-dire en produits ou services au catalogue).
Dans la suite de cette note, nous relevons quelques sources d’idées.
L’expérience professionnelle antérieure et les contacts avec les clients.
Une idée d’affaires puisée dans une expérience professionnelle antérieure témoigne d’une certaine expertise des produits et/ou des services, d’une connaissance du marché et des parties prenantes (réseau), ainsi que d’une conscience des conventions avec lesquelles il convient de composer. Qui plus est, les clients ou les usagers n’ont sans doute pas économisé l’expression de leurs insatisfactions et, alors salarié, le candidat à l’entrepreneuriat peut avoir imaginé son projet en réponse à de tels retours, par exemple en décelant une niche et une meilleure façon de répondre aux besoins (ou de les provoquer).
Les évaluateurs d’un projet de création d’entreprise apprécient généralement l’expérience du créateur lorsqu’ils tentent de cerner son profil et qu’ils évaluent les risques à parier sur sa capacité à concevoir puis à mettre en œuvre le projet. Evidemment, pour qu’un salarié puisse quitter l’entreprise afin d’exploiter un catalogue identique, encore faut-il que les clauses de non-concurrence du contrat de travail soient respectées (point de vue de l’employeur), tout comme celles relatives à l’expertise de ce salarié (point de vue du salarié). Parfois, c’est avec le consentement, voire l’accompagnement, de l’employeur qu’un salarié créera son entreprise dans le cadre d’une politique d’essaimage. L’organisation créée devient parfois un partenaire précieux, car son initiateur est au fait des pratiques de son ancien employeur.
La passion.
C’est une source courante d’idée d’affaires. Le créateur rêve de construire un projet entrepreneurial dans l’univers en rapport avec sa passion. Par exemple, le passionné de vin ouvre un bar à vin, la passionnée d’informatique lance un service de création de sites web, le passionné de plongée installe un centre de formation et de découverte sous-marine, la passionnée de surf imagine la création d’un surfcamp en France ou à l’étranger, le passionné de café ouvre un coffee shop, la passionnée de travaux manuels ouvre une école d’art floral ou d’encadrement ou de peinture sur porcelaine, le passionné de moto ouvre un atelier de préparation Cafe Racer, le passionné de football crée un complexe de foot en salle, etc.
Ces cas, issus de notre pratique de l’accompagnement, doivent conduire à alerter ces passionnés que les affaires passent avant le plaisir à évoluer dans le domaine d’intérêt. Dès qu’on se lance dans une affaire, deux lettres de l’alphabet prennent une importance capitale: C et A, c’est-à-dire « CA » pour chiffre d’affaires; le carnet de commande devient, durablement, une obsession (le porteur d’un projet associatif adaptera ce propos aux types de revenus le concernant ; cf. chapitre 7).
Le passionné offre souvent l’avantage d’être pleinement dans l’actualité de son domaine, notamment lorsque celui-ci comporte un vocabulaire ou une technicité poussée. Sur ce plan, il retiendra également la différence à faire entre le produit parfait et le produit vendable.
A côté des passions pour une activité (sportive, associative, artistique, etc.), on relève ce que certains qualifient de passion pour l’entrepreneuriat, bien que le mot passion soit dans ce cadre souvent excessif (parfois suite à un séminaire de sensibilisation à l’entrepreneuriat ayant révélé la possibilité d’une telle insertion professionnelle). L’étudiant désirant devenir entrepreneur partira à la quête d’une idée sans verser dans la précipitation vers laquelle son exaltation le pousse.
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Exemples de création de passionnés
Frédéric est ingénieur en informatique et a développé un produit destiné à la micro-informatique permettant d’afficher le fichier source de logiciels. Sa passion pour le « bidouillage» l’a conduit à élaborer la partie logiciel et le support matériel (une cartouche à brancher sur un des ports du micro-ordinateur), sans visée pécuniaire. Patrick, un copain, tout autant passionné mais ne possédant pas les mêmes compétences en informatique, est titulaire d’un diplôme universitaire de technologique en techniques de commercialisation. Il remarque rapidement la possibilité de commercialiser le produit inventé par Frédéric, lequel cède devant l’insistance de son pote pour la création d’une entreprise. Les affaires démarrent un peu difficilement, mais le produit rencontre le succès escompté, au point que des propositions de distribution émanent de pays étrangers. Frédéric et Patrick cèdent à la pression d’un concurrent et lui vendent ce produit, les fonds récupérés servant l’embauche de deux salariés pour développer de nouveaux logiciels. Si l’entreprise a cessé son activité, sans dommage, Frédéric est toujours dans le milieu informatique. Il occupe le poste de directeur général d’une PME de plus de 100 personnes. Toujours passionné, il s’est professionnellement totalement réalisé. Lors de son recrutement, son expérience entrepreneuriale a été appréciée, le profil du poste prévoyait une autonomie assez marquée dans le cadre de nouveaux projets portés par l’entreprise l’ayant embauché.
Rihane est un sportif de haut niveau. Il aurait pu être footballeur professionnel mais, tiraillé entre un père l’incitant à prendre ce chemin et sa mère aspirant à ce qu’il réalise des longues études pour lesquelles il est doué, il se sent conduit à faire un choix et opte pour un parcours universitaire de haut niveau. Après un DESS (aujourd’hui Master 2) en création d’entreprise qu’il suit pour concevoir son projet de création d’un complexe de football en salle (il est resté passionné par ce sport), il travaille comme conseiller en création d’entreprise durant les sept années lui permettant, à la fois, de constituer un capital pour le projet et de construire le réseau lui apportant les conséquentes ressources manquantes. Il est le principal porteur, mais pas le principal actionnaire, du projet Ginga Foot, installé à Mérignac en Gironde. Après avoir lancé l’affaire, davantage intéressé par la conception de projets et leur mise en œuvre que par leur direction, il se consacre au lancement d’autres complexes, notamment au Maroc. Il est également attiré par les perspectives académique et aujourd’hui il démarre une thèse de doctorat portant sur la reconversion des sportifs de haut-niveau par la création d’entreprise. Il s’est également trouvé une autre passion : l’enseignement.
Il apporte depuis plusieurs années son expertise dans le cadre de séminaires de sensibilisation à l’entrepreneuriat et accompagne des étudiants porteurs d’un projet de création d’entreprise. Il gagne en légitimité en racontant, lors du premier contact, son aventure entrepreneuriale (en prenant d’ailleurs, comme structure du récit, le concept de BM). Avec ce cas, le constat est que les passions peuvent être multiples.
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A défaut d’une passion, ce sont parfois des valeurs qui poussent les individus à lancer un projet. Ces valeurs peuvent concerner l’écologie, l’entraide, l’esthétisme, etc. Dans ce domaine, le film Demain a ainsi été un déclencheur remarquable d’initiatives dont certaines s’inscrivent sans ambages dans l’entrepreneuriat.
« Au-delà du succès en salle, ce documentaire est qualifié de «phénomène » par les médias qui observent qu’il y a un effet de résonance dans la société civile suite aux projections. […] En offrant aux spectateurs des exemples reproductibles de ce qui se fait ailleurs, le film parvient à mettre son public en confiance au lieu de l’inquiéter et le pousse à l’action[…] Sur la page Facebook l’équipe du film met en valeur certains projets qui lui sont communiqués. Associations, actions menées par des élèves de lycée, collectifs citoyens, blogs, mouvements de transition… se multiplient suite au film. […] En France, l’équipe du film s’est également saisie de cette dynamique en ouvrant une plateforme pour référencer les projets sur le site Internet (rubrique « Après Demain ») […]. »
Extrait de Jouison et Krémer (2018)
« DEMAIN» vu par un 1M de personnes en France, un chiffre sans précédent pour un documentaire! En découvrant ces histoires de personnes prendre en main leur destin, agir pour rendre notre planète un meilleur endroit où vivre, j’ai pris conscience de l’impact que chacun de nous peut avoir. Une véritable inspiration … et à mon tour l’envie d’agir. De cette envie est né : INSPIR’ACTION.news »
Extrait de la plateforme Après Demain
Les cellules de valorisation de la recherche et les services dédiés à l’innovation des universités.
Les laboratoires de recherche produisent des résultats pouvant être exploités par l’industrie acquérant la licence d’exploitation ou par une création d’entreprise. Cette seconde solution est moins fréquente mais elle a donné lieu à la création des incubateurs Allègre (ainsi nommés car Claude Allègre était alors le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie) dont l’objectif était, en relation avec les cellules de valorisation de la recherche, de repérer les produits de la recherche valorisables et, lorsqu’une création d’entreprise pouvait en être le transfert effectif vers la société, d’accompagner celle-ci. Aujourd’hui, en France, les cellules de valorisation de la recherche ont mutualisé leurs efforts et sont devenues les SATT (Société d’Accélération du Transfert de Technologie), présentes dans chaque région. Ces SATT ont souvent absorbé les incubateurs Allègre. Par exemple, en région Aquitaine, AST (Aquitaine Science Transfert) a intégré les missions de l’IRA (Incubateur Régional Aquitaine).
Les entrepreneurs pourront s’approcher des SATT, mais également des vice-Présidences dédiées à l’innovation des universités (les libellés de ce type de vice-présidence varient d’une université à l’autre selon la structuration choisie), pour offrir leurs services. Il n’est pas si rare que les chercheurs à l’origine d’un produit de la recherche valorisable ne soient pas intéressés pour être les porteurs d’un projet entrepreneurial ou, si cette perspective de devenir chercheur-entrepreneur les intéresse, soient à la recherche d’un associé se consacrant au montage de ce projet.
Les voyages.
Il paraît que les voyages forment la jeunesse ; ils ont des vertus plus larges, quel que soit l’âge des globe-trotters. Pour ce qui nous intéresse, ils permettent d’observer des projets éventuellement non encore implantés sur le territoire au sein duquel le voyageur imagine les installer. Il peut s’agir d’une enseigne dont le processus d’internationalisation n’est pas encore abouti. Ainsi, il y a certes désormais quelques années, une jeune femme s’est étonnée que le leader mondial dans le domaine de la sandwicherie n’était pas implanté en France. Elle a pris les contacts afin d’être parmi les premières franchises sur le territoire français.
La veille en Propriété Industrielle.
« Une veille correctement organisée à partir des brevets peut permettre de collecter de l’information et donc de connaître et d’analyser les réalisations mais aussi les axes de développement non seulement des concurrents mais aussi des différents acteurs (clients, fournisseurs, distributeurs, laboratoires de recherche, etc.) sur les marchés. À ce titre, le brevet est une source d’information stratégique pour l’entreprise qui lui permet de connaître et d’anticiper les comportements des acteurs évoluant sur ses marchés. C’est aussi une source d’information marketing dans la mesure où, dans ces conditions, il permet d’enrichir la réflexion qui permet à l’entreprise de se positionner commercialement. En définitive, la littérature souligne que le brevet comporte trois fonctions majeures : il est une source d’information marketing sur les clients, les concurrents et les autres acteurs du marché, un vecteur de diffusion de l’information en interne et en externe ainsi qu’un outil de marketing stratégique, au sens où il contribue à la réactivité de l’entreprise sur son marché. » (Petzold et Barbat, 2013). Il est aisé de s’appuyer sur ce propos pour considérer la veille en matière de PI comme source d’idée d’affaires.
Les franchiseurs.
Les franchiseurs sont une source d’idées et tentent d’attirer les capitaux de franchisés potentiels afin de couvrir plus amplement le territoire visé. Ils sont très nombreux ; les marques possèdent leur site pour présenter les premiers éléments de contractualisation et participent aux salons dédiés.
La franchise est plus ou moins une forme d’entreprendre. Elle peut vite devenir une routine où le franchisé ne dispose guère de marges de manœuvre. Dans ce cas, il est davantage le dirigeant d’une structure qu’un entrepreneur lorsque le franchiseur encadre très strictement. Cette présence rassure certaines personnes. Le cadre est certes contraignant mais efface certaines ambiguïtés (par le benchmark avec les franchisés déjà installés par exemple).
L’entreprise familiale.
On ne l’évoque guère mais, dans ce cadre, les conseils de famille peuvent être une source d’idées d’affaires. Les membres déjà impliqués dans l’entreprise ont pu repérer des opportunités sans avoir la possibilité de s’y consacrer pleinement. Par exemple, aussi bien dans le domaine industriel que dans celui du commerce, certaines grandes familles des Hauts de France sont réputées pour leur esprit d’entreprise.
Le Web.
Outre les sites soi-disant dédiés à l’idée d’affaires, monnayant l’accès à leurs sources en faisant croire au Graal, internet est un support informatif absolument fantastique. L’écueil associé à ce média réside à la fois dans la fiabilité de l’information, qui n’est pas garantie, et l’énormité de la masse d’informations disponibles susceptible de placer l’internaute en saturation cognitive. Celui-ci se tournera préférablement vers les supports dont le sérieux est garanti, par exemple l’Agence France Entrepreneur lien.
D’autres sources d’idées d’affaires.
Les salons : ceux consacrés à l’entrepreneuriat sont nombreux sur le territoire français. D’envergure nationale ou régionale, ils sont de bonnes occasions de faire connaissance avec l’écosystème entrepreneurial en y repérant ses acteurs. Parfois, ils sont spécialisés (ex : salon de la franchise).
Reprendre une entreprise : le nombre d’entreprises à transmettre est important.
C’est d’ailleurs une préoccupation pour de nombreux pays car, bien qu’une perspective écologique pourrait amener à considérer que les entreprises disparaissant seront remplacées par de nouvelles, il faut constater qu’elles ont développé une expérience risquant de disparaître avec elles. Qui plus est, on remarque que la transmission d’entreprise à un membre de la famille (souvent un enfant) a considérablement chuté. Les dirigeants cèdent alors leur entreprise à des tiers externes.
Les concurrents : ils sont observés pour identifier leurs nouvelles idées d’affaires. Il s’agit en quelque sorte d’effectuer une veille-benchmark. Le BM GRP devient une grille de lecture pour effectuer ce benchmark (qui porte le projet étudié ? Que propose-t-il ? Comment fait-il ? Etc.).
Les inventions et les brevets : les inventeurs sont des créateurs, certes, mais pas d’entreprise. Si certains d’entre eux exploitent ainsi leur invention, ils sont plus nombreux à déposer un brevet dont ils espèrent tirer des gains en le revendant ou en concédant des licences. Ceci dit, le candidat à l’entrepreneuriat peut également proposer à l’inventeur de créer ensemble l’entreprise.
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L’étudiante et l’inventeur
« Une étudiante a ainsi suivi l’inventeur d’un vase permettant, par un mouvement de rotation et par un système d’élastiques intérieurs, de fixer la fleur parfaitement au centre du vase, de façon bien droite, quel que soit le diamètre de celui-ci. Lorsque les fleurs sont plus nombreuses, la rotation conduit les élastiques, invisibles à l’utilisateur car à l’intérieur du vase, à serrer le bouquet qui par la même occasion, s’ouvre. Deux marchés avaient été identifiés. Le premier est celui des fleuristes, lesquels pouvaient, au fur et à mesure de leur « pioche » dans les présentoirs ainsi conçus, effectuer une petite rotation pour resserrer les élastiques et avoir des fleurs toujours parfaitement présentées. Le second marché était celui des particuliers. L’idée de l’étudiante et de l’inventeur était de créer une entreprise pour exploiter le premier marché et de concéder une licence d’exploitation à un industriel pour le second. Le travail avec l’inventeur, toujours hésitant, a conduit l’étudiante à renoncer au projet. »
Verstraete, 2010, p.25
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Il y a sans aucun doute bien d’autres sources d’idées (la télévision, notamment lors des émissions dédiées au business ; les magazines, certains d’entre eux publiant régulièrement des articles racoleurs du type « les 100 idées qui marchent … » ; etc.). Nous terminerons cette note en évoquant Les méthodes de créativité. Avant de passer à la note suivante, nous insistons sur le potentiel de ces méthodes pour identifier des idées d’affaires (puis pour les améliorer). L’entrepreneur potentiel n’y pense pas forcément, faute de connaître ces méthodes, de les maitriser et de savoir comment les déployer (lieu, processus, participants, traduction des résultats en enseignements, etc.). Elles ne sont pas si délicates à mettre en œuvre pour peu d’avoir cerné quelques éléments présentés dans la note 5.18.
A vous de jouer :
1/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), l’origine de l’idée avec laquelle vous pensez faire des affaires.
Pour aller plus loin :
Jouison E. et Krémer F. (2018), « Quand le cinéma donne envie d’agir : naissance d’une dynamique entrepreneuriale suite au film « Demain », 14ème Congrès International Francophone en Entrepreneuriat et PME, Toulouse, 24-26 octobre
Petzold S., Barbat V. (2013), «Le potentiel informationnel du brevet : un levier d’orientation marché pour l’entreprise de haute technologie », Revue Internationale d’Intelligence Economique, 5, p71-87
Une idée se travaille, se précise, se critique, s’amende, se soumet au jugement et à l’analyse. Il n’est pas rare que la bonne idée soit comparée à une pierre qu’il faut encore tailler pour qu’elle scintille.
La première façon de mettre au point une idée consiste à en parler pour, dans l’interaction, ainsi la discuter. Le créateur d’entreprise est ici soumis à un terrible dilemme : la crainte que son idée lui soit dérobée versus la nécessité de recevoir des avis. Il s’approchera de son conseiller pour identifier la façon de protéger cette idée. Nous verrons dans la note 5.20 que ce n’est pas vraiment possible. L’idée appartient à celui qui l’exploite. Le temps, sans être ennemi, devient une composante anxiogène du projet : aller vite avant qu’un autre, par exemple, ne s’installe dans la zone de chalandise choisie pour le projet, mais prendre le temps de bien concevoir l’offre et de réaliser les conciliations entre les perceptions de l’entrepreneur et celles des consommateurs (Hâtez-vous lentement dit Boileau ; Festina lente, dit l’empereur Auguste). Nous sommes nombreux, même si géographiquement très éloignés, à voir les choses dans le même temps.
Outre l’incitation à parler de l’idée avec laquelle le porteur pense pouvoir réaliser des affaires, nous l’incitons à « dessiner » son idée. Cela l’incite souvent à faire l’effort de voir à quoi cette idée va ressembler à son catalogue.
La mise au point de l’idée s’exprimera durablement, ainsi le prototypage y participe ( 5.24 ) et il n’est pas réservé aux projets technologiques. Les tests effectués avec les clients ne seront pas négligés.
A vous de jouer :
1/ Dessinez votre idée d’affaires.
2/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), la façon dont vous avez mis au point votre idée.
Les méthodes de créativité sont mobilisées à de nombreuses fins. Nous les évoquons ici dans leur utilité pour trouver des idées d’affaires ou discuter celles-ci, avec parfois la mise au jour d’un potentiel innovant. Si elles peuvent faire l’objet d’adaptation, la connaissance de leur fonction principale évitera quelques écueils ou galvaudages. Nous reprenons ici, sous la forme d’un tableau, quelques méthodes précédemment présentées (cf. Verstraete et Saporta, 2006 ; Verstraete, 2010). Trois ouvrages ont été inspirants : Bourbon (1986), qui propose différentes méthodes à l’usage de l’opérationnel ; Carrier (1997), toujours intéressée par la créativité qu’elle considère, depuis sa thèse, comme l’indispensable base de l’intrapreneuriat ; Michalko (1991).
Pour aller plus loin :
Bourbon, M. (1986). Méthodologie – Ensemble de méthodes à l’usage du responsable opérationnel, Chotard et associés éditeurs
Carrier, C. (1997), De la créativité à l’intrapreneuriat, Presses de l’Université du Québec
Michalko, M. (1991), Thinkertoys, Ten Speed Press, Berkeley, California
Verstraete, T. (2010), « Mettre au point l’idée d’affaires », dans Verstraete, T. Préparer le lancement de son affaires – Guide à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, Verstraete, T. dir, De Boeck, p.27-33
Verstraete, T., Saporta, B. (2006), Création d’entreprise et Entrepreneuriat, Les Editions de l’Adreg lien
La carte mentale (parfois nommée carte heuristique), dont la paternité et attribuée à Tony Buzan (Buzan et Buzan, 1993 ; Buzan et Griffiths, 2011), est mondialement connue. Son utilisation dépasse le cadre strict de la créativité, et plus encore de l’entrepreneuriat. Elle sert de très nombreux domaines. Pour ce qui nous intéresse, Carrier, Cadieux et Tremblay (2010) la proposent pour trouver des idées d’affaires. Nous l’utilisons pour imaginer des BM, mais également pour faire apprendre (Krémer et Verstraete, 2014 ; Verstraete, Krémer et Néraudau, 2018). C’est l’outil privilégié par GRP Lab pour que la créativité serve la conception de BM, leur mise au jour, leur critique (cf. redesign, en tout ou partie) et pour sensibiliser au caractère systémique du BM.
La carte mentale peut être vue à la fois comme le processus de production graphique d’une activité cognitive et comme le résultat représentant cette activité. Le processus exploite la réflexivité s’exprimant entre la construction des schémas de pensée et la représentation, en cours, de ceux-ci. Le dessin possède en cela un pouvoir émancipatoire (cf. Audet, 2004) en faisant penser à des choses auxquelles n’aurait pas pensé l’individu s’il n’était pas engagé dans cet exercice. Il s’agit, selon nous, d’une forme de « chemin faisant graphique » pour imaginer, pour faire voir, ou pour mémoriser, ce chemin étant l’image des schémas cognitifs en construction.
La carte mentale est avant tout un outil dédié à la créativité tandis que la cartographie cognitive, avec laquelle elle est souvent amalgamée, serait plutôt réservée à la « une représentation graphique de la représentation mentale que le chercheur se fait d’un ensemble de représentations discursives énoncées par un sujet à partir de ses propres représentations cognitives à propos d’un objet particulier » (Cossette, 1994, p.25 de l’édition de 2003 aux éditions de l’ADREG accessible en ligne lien).
La carte cognitive est en quelque sorte un modèle, construit par le chercheur, de la représentation du sujet interrogé à propos d’un objet. Il ne s’agit pas de solliciter la créativité de l’individu, mais de représenter ses schémas de pensée sur l’objet, souvent en mettant au jour les liens de causalité entre les concepts énoncés.
Avec une carte mentale, c’est l’activité créative et/ou l’apprentissage qui sont généralement explicitement appelés. Cette créativité s’exprime également dans l’esthétisme des représentations par utilisation de couleurs, de photos, etc. Il suffit de parcourir la toile internet avec les mots clés « carte mentale » pour découvrir de superbes réalisations. Le soin apporté à la visualisation sert l’apprentissage du contenu de la carte. Ceci dit, rien n’empêche cet esthétisme dans le cadre d’une carte cognitive, comme le lecteur pourra le constater dans une représentation réalisée par Vincent Blazquez sur la base de la mise au jour du BM des Etablissements Thunevin (lien).
La carte mentale se prête à des utilisations individuelles ou collectives. Pour des séances collectives autour du BM, nous avons fait réaliser un poster mural placé dans l’espace de coworking de l’incubateur Ubee Lab. Sur la photo ci-jointe, Alexandre Savin, référent entrepreneuriat de l’Université de Bordeaux, anime une telle séance avec une équipe d’entrepreneurs.
La carte mentale consiste à noter, sur un support papier, sur un tableau ou sur un ordinateur (lorsqu’un logiciel de mind mapping est utilisé) des concepts (éléments de connaissance, idées, images, mots, …) reliés entre eux par une arborescence, ou plus largement par des associations dont la nature est généralement hiérarchique ou causale. Voici un exemple de carte ayant été produite pour préparer une conférence sur le thème de la valorisation de la recherche en entrepreneuriat. Cette carte a également été utilisée lors de l’exposé, le conférencier la plaçant sous ses yeux pour, la parcourant, se remémorer les points à évoquer (les points 1 à 4 rappelant l’ordre du propos à tenir).
Techniquement, voici une vidéo à destination de collégiens pour leur expliquer la façon de construire une carte mentale lien. Préalablement au dessin de la carte, cette vidéo propose d’établir une liste de concepts. L’usage d’une liste n’est toutefois pas une obligation, dessiner directement la carte permet à la réflexivité de mieux s’exprimer. Quelle que soit les pratiques, leur point commun consiste à placer le thème au cœur du support. Par exemple, si une phase de créativité est organisée autour de la Proposition de Valeur, il pourrait y avoir un cœur reprenant ses 8 rubriques (origine de l’idée, mise au point de l’idée, protection de l’idée, transformation de l’idée en offre, attractivité du marché, cible, concurrence, ambition du projet).
Complétée, cette carte mentale n’est qu’une partie de la carte du BM complet, laquelle ferait apparaître les liens entre les composantes ou leurs rubriques. Il est possible de construire une carte mentale du BM pour imaginer ce qu’il peut être, ou de dessiner une carte mentale pour chacune des composantes (zoom). Autrement dit, l’entrepreneur partira du global pour aller vers le local, ou inversement, à loisir.
A vous de jouer :
1/ Dessiner une carte mentale autour du thème « La pratique du sport »
2/ Partant des 8 rubriques de la Proposition de Valeur, dessinez une carte de votre Proposition de Valeur telle que vous l’imaginez aujourd’hui. Il est possible d’égayer l’exercice en utilisant des couleurs pour, par exemple, distinguer ce qui est décidé de ce qui reste ouvert, ou ce qui est fait et ce qu’il reste à faire, etc.
Pour aller plus loin :
udet, M. (1994). « Plasticité, instrumentalité et reflexivité », dans Cossette, P., Cartes cognitives et organisations, Presses de l’Université de Laval, Ed Eska (réédité en 2003 aux éditions de l’ADREG)
Buzan, T., Buzan, B. (1993). The Mind Map Book, New York, Plume, Penguin.
Buzan, T., Griffiths, C. (2011). Le Mind Mapping au service du manager. Paris, Eyrolles, Éditions d’Organisation.
Carrier, C., Cadieux, L. et Tremblay, M. (2010). « Créativité et génération collective d’opportunités », Revue Française de Gestion, 36(206), p.113-127.
Cossette, P. (2003). « Méthode systématique d’aide à la mise à la formulation de la vision stratégique: illustration auprès d’un propriétaire –dirigeant », Revue de l’Entrepreneuriat, 2(1), p.1-18
Krémer, F., Verstraete, T. (2014). « La carte mentale pour favoriser l’apprentissage du Business Model et susciter la créativité des apprenants », Revue Internationale PME, 27(1)
Verstraete, T. (2010), Préparer le lancement de son affaires – méthode à l’usage du créateur et de son conseiller, De Boeck
Verstraete, T., Krémer, F., Néraudau, G. (2018), « Utilisation du cinéma en contexte pédagogique pour comprendre l’importance des conventions dans la conception d’un business model », Revue de l’Entrepreneuriat, 17(2), p.63-88.
Nous reportons, dans l’encadré suivant, le propos d’Hélène Gros, déléguée régionale de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) en Aquitaine. Il s’agit de comprendre qu’une idée, en soi, ne se protège pas. Il en faut une extériorisation, une exploitation pour, alors que l’idée ne peut pas être protégée, pouvoir envisager une procédure, par exemple, en concurrence déloyale. Nous profitons de ce paragraphe pour inciter le candidat à l’entrepreneuriat à suivre une séance d’information que les délégués de l’INPI dispensent régulièrement en région, à leur initiative ou invités par exemple par les cellules de valorisation de la recherche ou autres institutions. C’est, à notre sens, incontournable et l’entrepreneur fera connaissance avec de précieux partenaires.
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« Tout n’est pas protégeable, et heureusement, car cela préserve des espaces de liberté. La majorité de la doctrine et la jurisprudence dominante rappellent avec une régularité troublante que les idées sont de libre parcours, qu’elles ne sont pas susceptibles d’appropriation.
Cette affirmation ne résulte pourtant d’aucun texte même si on peut interpréter l’article L.112-1 du Code de la propriété intellectuelle comme posant ce principe. Le droit d’auteur protège « les œuvres quelle que soit la forme et leur expression » contre « toute représentation et reproduction » effectuée sans l’autorisation de l’auteur.
Dès 1928, la jurisprudence énonça que « l’idée demeure éternellement libre et ne peut devenir l’objet d’une protection privative » (Tribunal Civ. Seine 19/12/1928). Mais le Professeur Henri Desbois (Cours de propriété intellectuelle, 1998) popularisa la formule selon laquelle les idées par essence et par destination sont de libre parcours : « quelle qu’en soit l’ingéniosité et même si elles sont marquées au coin du génie, la propagation et l’exploitation des idées exprimées par autrui ne peuvent être contrariées par les servitudes inhérentes aux droits d’auteur : elles sont par essence et par destination de libre parcours.»
Ainsi, une idée, si originale ou si nouvelle qu’elle soit, ne peut être protégée par le droit d’auteur ou tout autre droit de propriété industrielle (marques, dessin et modèles et/ou brevet).
La Cour de Cassation a consacré cette thèse dans un arrêt célèbre rendu en 2003, refusant de protéger par le droit d’auteur une idée de solfège où les notes de la gamme seraient représentées par des petits enfants, mais condamnant tout de même sur le fondement de la responsabilité civile après avoir relevé la faute de celui qui s’était approprié l’idée d’autrui.
En effet, lorsque les idées ont une valeur économique, l’action en concurrence déloyale et le parasitisme peuvent permettre de contourner cette règle stricte. Ainsi, l’action en responsabilité vient au secours de l’auteur dans le cas où son idée a été appréhendée par un tiers dans des circonstances contraires à la morale des affaires.
Par exemple, dans le cadre d’un concept tel qu’un nouveau mode de commercialisation, celui-ci se traduit par des choix concrets dont certains sont organisationnels, techniques ou esthétiques. C’est pourquoi, même s’il n’existe pas de protection directe du concept, lorsque celui-ci est le résultat d’un travail approfondi, la reproduction à l’identique par un concurrent peut être sanctionnée par la concurrence déloyale.
On peut se réjouir de ce principe dans la mesure où, si les textes autorisaient l’appropriation de l’idée, on peut se demander sur quels critères objectifs la protection pourrait être accordée.
En droit, pour être propriétaire, il faut un acte positif d’extériorisation du concept, une matérialisation. Ainsi, pourra donc être protégée une réalisation de l’idée, pour autant qu’elle soit nouvelle et originale. Et c’est ce que nous nous proposons de développer au travers de la présentation des différentes formes de protection découlant des droits de Propriété Intellectuelle (PI).
Notons que dans la déclaration des droits de l’homme amendée en 1948 et reprise dans le préambule de notre constitution, est consacré le droit d’auteur, à l’article 27 : « chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ». (p.35-36)
« Les droits de PI sont regroupés en deux branches principales :
– la propriété industrielle avec les brevets, les marques, ainsi que les dessins et les modèles ;
– la propriété littéraire et artistique pour le droit des auteurs et les droits voisins (artistes interprètes…).
En conséquence, toutes les innovations ne sont pas protégeables de la même manière, ni ne nécessitent la même approche ni les mêmes mesures de protection. » (p.37)
« Une idée et un concept ne peuvent pas être protégés en tant que tels, seule la matérialisation de cette idée ou de ce concept peut être protégée :
• par un dépôt de brevet, si la matérialisation de l’idée est une innovation technique;
• par un dépôt de dessins et modèles, si la matérialisation de l’idée est esthétique ;
• par un dépôt de marque, pour tout signe distinctif permettant d’identifier les produits ou services proposés à la clientèle ;
• par le droit d’auteur, si le concept se matérialise par une œuvre artistique ou littéraire ;
• en gardant, dans certains cas, le secret sur l’idée.»(p.38)
Tiré du chapitre d’Hélène Gros, 2010
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Pour aller plus loin :
Gros, H. (2010), « Protéger l’idée d’affaires », dans Verstraete T. Préparer le lancement de son affaire – Méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, De Boeck, p.27-33
Il s’agit de vérifier que personne n’a préalablement procédé à la protection d’une matérialisation d’une idée ou n’a pas déposé par exemple un brevet dont la couverture géographique restreint les zones d’exploitation possibles.
L’encart suivant renseigne sur le rôle du brevet, qui dépasse le seul cadre de la protection d’une innovation. Comme l’étude de Petzold et Barbat (2013) le montre, le brevet est une source d’information marketing, facilite les échanges entre les fonctions R&D et marketing de l’entreprise et peut devenir un véritable outil de stratégie marketing au service de la capacité de réaction d’une entreprise de haute technologie. Plus largement, la PI revêt un caractère stratégique et la création d’un portefeuille de brevets nécessite de penser la politique correspondante, laquelle répond autant à de l’investissement qu’à l’exploitation d’une compétence qui se développera.
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« De façon générale, les consultations des brevets, marques et modèles déposés par les entreprises identifiées comme les principaux concurrents, permettent d’anticiper d’éventuels risques juridiques. Cela permet également, à la fois, de connaître les pratiques de ces concurrents en matière de PI et d’aider le créateur à construire sa propre politique PI. Plus précisément, la consultation des bases de données brevets permet au porteur de projet :
– de ne pas réinventer ce qui existe déjà (gain de temps et d’argent). Rappelons que ce n’est pas parce qu’un produit ne se trouve pas dans le commerce, qu’il n’a pas été divulgué, utilisé ou n’a pas fait l’objet d’une publication quelque part dans le monde. Une recherche parmi les brevets peut être une bonne source d’informations puisque plus de 80 % de l’information technique se trouve dans les brevets ;
– de vérifier qu’un produit ou un procédé est libre d’exploitation. Quand une technique spécifique est utilisée, il est important de vérifier par une recherche d’antériorités que l’exploitant n’enfreint pas des droits de brevet existants et qu’il ne réalise pas d’actes de contrefaçon ;
– de trouver des solutions techniques alternatives et le cas échéant les améliorer ;
– d’estimer la nouveauté d’un produit réalisé en vue d’évaluer son caractère brevetable ;
– d’identifier d’éventuels partenaires ou concurrents ;
– de prendre connaissance des brevets déposés par la concurrence.
Une des vertus d’une recherche dans les bases de données brevets est de conduire le créateur à vérifier, avant tout investissement, qu’un nouveau produit qu’il souhaite exploiter ne sera pas un produit contrefaisant par rapport à un brevet en vigueur qui couvre le territoire où il compte l’exploiter (notamment la fabrication ou la commercialisation). Un produit peut bénéficier du monopole d’un brevet sans pour autant être diffusé dans le commerce. Cette précaution évite d’avoir à stopper une exploitation déjà entamée.
Après avoir identifié des brevets susceptibles de se rapprocher de l’invention qu’il compte exploiter, le créateur s’interrogera ainsi :
– est-ce que le brevet identifié vise une protection dans le ou les pays où je souhaite commercialiser, fabriquer ou importer mon invention?
– si oui, est-ce que le brevet identifié est encore en vigueur dans ce ou ces pays?
– si oui, est-ce que la portée juridique de ce brevet identifié couvre bien l’invention que je souhaite commercialiser, fabriquer ou importer ?
La qualité de la recherche étant étroitement liée à la qualité du recensement des documents, on lui conseillera de se faire accompagner par des professionnels de la PI. En pratique, une recherche comprend trois phases :
– le recensement des documents. L’INPI est à la disposition des créateurs pour les guider dans leurs recherches et pour les réaliser (sur devis) si nécessaire ;
– l’analyse technique. Elle peut généralement être faite par le porteur de projet qui connaît bien son sujet ;
– l’analyse juridique. L’analyse juridique doit par contre être faite par une personne qualifiée (conseil en propriété industrielle).
Les demandes de brevet sont notamment accessibles sur les sites fr.espacenet.com et ep.espacenet.com. Pour utiliser efficacement les sites de recherches en ligne, il convient d’identifier le ou les classement(s) de l’invention dans la « Classification Internationale des Brevets» (CIB) afin de coupler ce(s) classement(s) avec des mots-clés appropriés. »
2010, p.45-46
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A vous de jouer :
1/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), si votre projet peut faire l’objet d’une protection (technologie, marque, nom de domaine, …), si aucun acteur n’a préalablement procédé à cette protection vous empêchant d’exploiter votre idée sur le territoire prévu, si vous avez déposé une enveloppe Soleau ou un brevet (le cas échant en indiquant où vous en êtes sur ce registre).
Pour aller plus loin :
Gros, H. (2010), « Protéger l’idée d’affaires », dans Verstraete T. Préparer le lancement de son affaire – Méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, De Boeck, p.27-33
Petzold S., Barbat V. (2013), «Le potentiel informationnel du brevet : un levier d’orientation marché pour l’entreprise de haute technologie », Revue Internationale d’Intelligence Economique, 5(2013), p71-87
Si la protection conduit à s’approcher d’institutions comme la Société des gens de lettres, l’Agence de Protection des Programmes, la Sacem, etc. l’INPI est une clé de la protection qui nous intéresse particulièrement dans ce chapitre. Nous incitons fortement à la lecture du chapitre livré par Hélène Gros (2010) qui, en matière de protection de l’idée, nous parle : des actions en matière de PI, de l’intérêt de celle-ci, des outils (enveloppe Soleau, cahier de laboratoire, brevet, …), de la protection des innovations techniques, de la protection par le secret, de la recherche en PI et de la veille associé, des noms, des logos, des dessins, des noms de domaine, du dépôt en France ou à l’international, de la surveillance de la marque, de la PI dans les contrats, de la confidentialité, du coût d’une PI, des inventions des salariés, …
L’entrepreneur consultera le site web de l’INPI. Il y trouvera une mine d’informations, parmi lesquelles évidemment celles concernant l’enveloppe Soleau lien, le cahier de laboratoire lien, le brevet voir aussi -> lien et bien d’autres choses.
Pour aller plus loin :
Gros, H. (2010), « Protéger l’idée d’affaires », dans Verstraete T. Préparer le lancement de son affaire – Méthode à l’usage du créateur d’entreprise et de son conseiller, De Boeck, p.27-33
En parallèle d’une étude de marché et de la recherche en PI, les projets nécessitent parfois un développement technique dont les premiers stades concernent une preuve de concept ou la réalisation d’un prototype. Si cela touche particulièrement ceux découlant d’une valorisation de la recherche, tous les projets peuvent être concernés par la réalisation d’une maquette, d’un mock-up (interface utilisateur en informatique), parfois du tirage d’une petite série, etc. Le prototype fait voir, autorise le toucher et parfois le test.
l est possible de procéder à la présentation du BM même si le prototype n’est pas disponible (ou non encore achevé car la phase de prototypage comporte différentes étapes), justement avec l’objectif de lever des fonds afin de le réaliser. Les SATT et leurs partenaires prévoient des enveloppes destinées aux trois plans de la maturation que sont l’étude de marché, la recherche en PI et le développement technique. Ce dernier est à la frontière de la Proposition de Valeur et de la Fabrication de la valeur car sa mise au point livre beaucoup d’information sur la façon dont l’organisation créée va s’y prendre (Fabrication de la valeur) pour tenir la promesse formulée (Proposition de Valeur). Nous serons ainsi conduits à y revenir lors du chapitre 6, mais dans la mesure où le prototype est un élément important des dossiers de PI, il nous fallait l’évoquer. Le prototype est également une occasion de préciser ce qui sera mis au catalogue de l’organisation 5.24. Il peut également être soumis aux consommateurs pour recevoir son avis (ergonomie, prise en main, etc.) ou être l’objet placé au cœur d’une analyse défectuologique 5.18. Il vaut mieux recevoir les informations avant la production en série …
Transformer une idée en idée d’affaires nécessite, selon nous, d’avoir a minima travaillé les 4 rubriques évoquées dans ce dossier : la trouver, la mettre au point, la protéger et la transformer en une offre concrète. Il n’est pas rare que ce dernier point pêche, d’où l’utilité, également sur ce registre, du prototypage 5.23, lequel oblige l’entrepreneur à penser son catalogue puisque le prototype vise à s’approcher, certes souvent par étapes successives, du produit tel qu’il sera commercialisé.
Le partenaire a besoin de comprendre ce que vendra l’entreprise. C’est évident pour le client, mais bien en amont, l’évaluateur d’un projet attendra de l’entrepreneur qu’il sache clairement exposer ses produits, ses services, ses tarifs (ou la façon dont il procèdera à l’estimation du devis lorsque le travail est à façon). Il ne s’agit plus d’évoquer l’idée, mais concrètement ce que l’entreprise met à son catalogue.
Notre pratique nous a conduits à conseiller un entrepreneur ayant eu l’idée suivante : un système de capteurs placés dans le réservoir d’un véhicule (automobile, camion,…) permettant d’être informé sur les variations du niveau du carburant. L’entrepreneur, Olivier, imaginait que cette idée intéresserait beaucoup les entreprises de transport car les vols de carburant sont une véritable tare. Il faut dire que la hausse très significative du prix du gasoil n’était pas étrangère à l’accroissement très important des vols dans ce domaine. Une première étude qualitative réalisée auprès de professionnels du secteur renvoyait des signaux positifs. Après avoir déposé une enveloppe Soleau, Olivier a consulté l’INPI. La recherche en PI n’a pas permis d’identifier un procédé déposé remplissant la fonction imaginée. Olivier pouvait donc poursuivre son projet.
Pour le prototypage, l’entrepreneur s’est approché d’une école d’ingénieurs ou un groupe d’étudiants, dans le cadre d’un projet tuteuré, a travaillé avec lui à la mise au point technique. Le succès de cette phase a permis de déposer une nouvelle enveloppe Soleau apportant des précisions techniques. Dans le même temps, Olivier entama les démarches d’un dépôt de brevet. Il fut très déçu de constater qu’un grand groupe venait de déposer un brevet quasiment identique. Olivier ne pouvait donc plus poursuivre son projet, sauf à concevoir un autre dispositif remplissant la même fonction. Suspicieux, découragé et déjà engagé dans un nouveau projet, il créa une entreprise dans un autre domaine d’activité.
S’agissant de la transformation de l’idée en offre, puisque c’est ce qui nous intéresse dans cette note, plusieurs options s’avéraient possibles.
Une première option consistait à produire les dispositifs, à les packager sous blister et à les vendre à un réseau de distribution revendant lui-même aux transporteurs.
Une autre option était constituée d’une mallette intégrant un kit complet d’installation avec notice technique (y compris, à l’époque, vidéo sur CD).
Une troisième possibilité, celle retenue par Olivier, le conduisait à installer les boîtiers sur les camions. En fait, son catalogue comportait deux produits incluant le service d’installation (facturation d’un forfait de déplacement/installation, l’idée étant d’accéder à des flottes de camions).
Le premier produit était un boîtier vide, mais plombé pour faire croire à un vrai boitier équipé du dispositif (environ 300 euros le boitier). Impossible pour un observateur de savoir si ce boitier était factice ou opérationnel. Le deuxième produit était strictement identique au premier, mais en apparence car le dispositif de relevé y était effectivement inséré (environ 900 euros). Olivier envisageait de compléter ce produit par un service consistant à procéder à des relevés (facturés) permettant d’identifier soit des écarts de consommation trop importants pour certaines durées d’observation (dans une certaine mesure, cela fonctionnait un peu comme les mouchards visant à repérer les excès de vitesse des poids lourds), soit des différences entre la facture reçue pour un plein de carburant auquel a procédé le chauffeur et ce qu’il a effectivement mis dans le réservoir lors de ce plein. Olivier avait prévu qu’avec l’évolution des moyens de communication, il aurait rapidement pu travailler à un service s’apparentant à la télésurveillance, c’est-à-dire à être alerté quasiment en temps réel des anomalies de « consommation » ….
La plupart des créateurs peinent à formuler très explicitement ce qu’ils mettent à leur catalogue. Ce constat est a priori surprenant, mais il est presque systématique. Il faut dire que c’est un gros travail car la transformation de l’idée en offre porte sur les caractéristiques précises du produit ou du service, les prix, la gamme, voire les canaux de distribution (qui peuvent fortement influencer la définition de l’offre). Les précisions apportées par la transformation de l’idée en offre concrète permettent d’envisager les démarches marketing conduisant à une transformation plus radicale : le passage de l’idée d’affaires à l’opportunité d’affaires (cerner le marché, viser la cible, étudier la concurrence, exprimer l’ambition du projet).
A vous de jouer :
1/ Listez les produits et/ou les services que vous envisagez de mettre à votre catalogue.
2/ A ce jour, avez-vous une idée de leurs caractéristiques précises, de la gamme éventuelle, du logo, du réseau de distribution, du prix, … ? A défaut de savoir répondre précisément, quelle idée vous en faites-vous ? A partir de la réponse précédente, tentez de gagner en précision.
3/ Des points 1 et 2, relever les travaux restant à réaliser afin d’être plus précis.
4/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), ce que vous mettez à votre catalogue et, s’ils sont fixés, les prix.
Nous conseillons, s’agissant de la présentation de la partie concernant l’idée, de tenir un propos très clair sur les quatre points que nous avons présentés :
• l’origine de l’idée ;
• les travaux réalisés pour sa mise au point ;
• la recherche en PI et la protection envisagée ;
• la transformation de l’idée en offre.
Cette partie du pitch tient donc en 4 phrases, éventuellement davantage pour les projets nécessitant d’apporter des éléments sur le prototypage ou la propriété industrielle, mais guère plus et sans s’attarder, la période de discussion avec le partenaire permettra d’y revenir selon les points sur lesquels il souhaite engager la conversation.
A vous de jouer :
1/ Pour vous aider à « raconter » votre idée, inspirez-vous des propositions dans la rubrique « A vous de jouer » des notes 5.16, 5.17, 5.21 et 5.24, lesquelles invitaient à résumer en un paragraphe l’origine de l’idée, la mise au point de l’idée, la protection et la transformation de l’idée en offre. Il s’agit, ici, de gagner encore en concision sauf, le cas échéant, nécessité de préciser un point particulier.
Comme pour la présentation de l’idée d’affaires, lors de l’exercice de conviction et s’agissant de l’opportunité d’affaires, nous conseillons de présenter les quatre rubriques suivantes :
• l’attractivité du marché ;
• la cible ;
• la concurrence ;
• l’ambition du projet.
La démarche proposée par le schéma suivant doit permettre de fournir le contenu de ces quatre rubriques. Ce schéma montre bien que l’idée et l’opportunité se superposent puisque les premiers éléments d’enquête incitent à la reformulation de l’idée.
Autrement dit, la linéarité de l’écriture de cet ouvrage ne doit pas gommer la vision systémique s’appliquant au BM et à chacune de ses composantes. Ainsi, la présentation claire de l’idée 5.25 réfère à une version du BM où l’opportunité d’affaires a été travaillée. Si cela n’empêche pas d’exposer l’idée plus tôt, notamment parce que nous avons vu que la première façon de la mettre au point est d’en parler (aux experts évoqués dans le schéma mais plus largement aux parties prenantes potentielles), l’entrepreneur doit composer avec le caractère itératif du processus entrepreneurial. Le BM est un artefact dont la modélisation par composantes sert à identifier les éléments à travailler pour la conception et la conviction du projet. Les faits montrent d’ailleurs systématiquement que le travail sur une composante du BM est susceptible de toucher les autres composantes.
A vous de jouer :
1/ Pour vous aider à « raconter » votre opportunité, inspirez-vous des propositions dans la rubrique « A vous de jouer » des notes 5.27, 5.28, 5.29 et 5.31, lesquelles vous inviteront à résumer en un paragraphe l’attractivité du marché, la cible, la concurrence et l’ambition du projet.
Certains entrepreneurs trouvent à réaliser des affaires au sein de marchés déclinants. Néanmoins, sauf dans le cas d’un « coup», c’est-à-dire d’une opération ponctuelle ou temporellement circonscrite, les financeurs débloquent généralement plus facilement les fonds pour un projet durable. L’entrepreneur procèdera aux « investigations » permettant d’évaluer l’attractivité du marché (cf. étape 2 du schéma de la note 5.26). Celui-ci sera apprécié de façon globale. L’analyse se situe peut-être davantage au niveau des résultats d’une segmentation stratégique, qui consiste à cerner un domaine d’activité stratégique, que d’une segmentation marketing, qui consiste, en B to C, à découper une population en ensembles homogènes à partir de critères tels que le sexe, l’âge, l’habitat, le comportement d’achat, le style de vie, les revenus, etc.
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Pour cette idée de visite touristique du vignoble bordelais et de la ville de Bordeaux en 2CV Citroën, l’entrepreneur, Thibaut, a relevé les informations relatives au tourisme dans le monde, en France, à Bordeaux (le tourisme y est en plein essor et la ville a été classée en 2017 par le Lonely Planet comme destination numéro 1 au monde), en s’appuyant sur les rapports établis par l’Organisation Mondiale du Tourisme, par la Direction Générale des Entreprises du Ministère français de l’Economie et des Finances, par l’Office de tourisme de Bordeaux, etc. Il a également discuté de cette attractivité avec des experts (direction de l’office du tourisme, hôteliers, etc.). A ce stade, il n’avait pas encore confronté, par une démarche construite et systématique, son idée aux consommateurs.
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Pour le cas relaté dans l’encadré, le travail a consisté à réunir des informations qualitatives et quantitatives souvent déjà mises en forme par d’autres (c’est ce qu’on appelle des données secondaires). Les données interprétées n’ont donc pas été collectées directement par l’entrepreneur ou le sous-traitant auquel il aurait confié l’étude. Certaines institutions (branche d’activité ou syndicat d’une industrie, ministère, Agence Française de l’Entrepreneuriat lien, cabinet de marketing et de prospective, ministère, etc.) réalisent (ou font réaliser) des études sur des secteurs d’activité ou parfois des tendances de l’écosystème. Outre les institutions ou les cabinets réputés dans leur domaine, il faudra se méfier des études vendues « clé en main », trop souvent imprécises et partiales, ou encore des seuls articles journalistiques, notamment lorsqu’ils servent à fournir du contenu à des sites internet dont la fiabilité informative peut être discutée (évidemment, les bons journalistes spécialisés savent livrer de bons articles). Les experts connaissent les sources d’informations fiables de leur secteur d’activité, ils les consultent et lors d’un entretien il sera possible de leur soumettre les sources d’information retenues ou de les questionner sur les sources à consulter. Le candidat à l’entrepreneuriat retiendra que toute information qualitative ou quantitative doit être accompagnée, d’une façon ou d’une autre, de l’évocation de ses sources. La légitimité de celles-ci accompagne la crédibilité du propos.
L’attractivité du marché peut être fortement liée à des tendances générales perceptibles dans l’environnement (ex : une nouvelle loi, la disponibilité d’une nouvelle technologie, etc.). Cette analyse de l’environnement concerne la composante écosystème (chapitre 12).Elle est souvent conduite dans le même temps que celle relative à l’attractivité du marché, laquelle est plus proche du business envisagé. Il s’agit essentiellement de pouvoir apprécier la taille du marché (en volume d’unités vendues et en valeur, c’est-à-dire en Euros), sa structure et son évolution. Ces trois points correspondraient respectivement, en reprenant le cas de l’encart, au nombre de touristes du contexte bordelais, aux segments de produits et services qui leur sont proposés (segments de produits et part de marché de chacun) et aux cycles afférents. Ces derniers réfèrent aux stades d’évolution du marché (création, croissance, maturité, déclin) ou, pour ce cas, aux cycles saisonniers.
A vous de jouer :
1/ Avez-vous soumis vos sources d’informations aux experts du domaine d’activité et/ou les avez-vous sollicités pour identifier ces sources ?
2/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), sans oublier d’indiquer leur source, les informations qualitatives et quantitatives démontrant que le marché est attractif. Vous commencerez ce paragraphe par : « Il ressort de notre étude documentaire que … »
Le concept de cible est très parlant. L’icône que nous avons retenue pour la composante Proposition de Valeur lui va plutôt bien… La cible symbolise l’objet visé. Ici, il s’agit de l’ensemble des consommateurs que l’organisation souhaite toucher particulièrement pour les transformer en acheteurs (ce ciblage s’effectue lors de l’étape 3 du schéma de la note 5.25).
La définition de la cible conduit à imaginer le client idéal, à cerner son profil, avec l’idée de toucher les consommateurs s’en approchant le plus et en considérant qu’il faut qu’ils soient suffisamment nombreux pour générer un volume de chiffre d’affaires (ou des recettes dans un cadre associatif par exemple) permettant de couvrir les charges (ou les dépenses) et, ainsi, atteindre au moins l’équilibre et, mieux, dégager un bénéfice. Le traçage du périmètre de la cible est indissociable de l’estimation du volume de chiffre d’affaires et du bénéfice attendu. A prix fixé, le créateur d’entreprise pourra constater que le plus grand périmètre n’offre pas forcément le meilleur profit. Parfois, en conciliant l’offre avec un périmètre en apparence moins prétentieux, les calculs peuvent faire apparaître des gains plus intéressants. Ceci dit, la stratégie peut être de toucher le plus grand nombre, soit parce que l’entrepreneur voit ainsi la mission de l’entreprise, soit parce qu’à terme il parie sur des revenus plus conséquents (contrôle de la part de marché), etc. Dans tous les cas, la stratégie, le marketing, la production et la comptabilité ont fort à faire ensemble pour définir un prix, une cible, une marge et espérer un bénéfice. A ce stade, le lecteur tâchera de répondre à la question : « Le projet intéresse-t-il un nombre suffisant de consommateurs ? ».
A vous de jouer :
1/ Dessinez un schéma représentant votre processus concret de confrontation de votre idée au marché.
2/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), les résultats de votre étude qualitative, en le commençant de la façon suivante « Il ressort de notre étude qualitative, menée auprès de …, que … ».
3/ Si une étude quantitative a été réalisée, réitérez le 3/ à son propos.
Aussi étonnant que cela puisse, a priori, paraître, il n’est pas si rare qu’un porteur de projet annonce ne pas avoir de concurrent … Il est alors déçu de ne pas lire, sur le visage du partenaire non encore convaincu, ne serait-ce qu’une timide mimique trahissant un enthousiasme guetté, et d’y voir plutôt un mouvement des sourcils caractéristique soit de l’étonnement, soit de la perplexité… Souvent, soit le créateur n’a pas compris le concept, soit le marché « n’existe» pas, soit il réduit la concurrence à la zone de chalandise, soit il n’a pas suffisamment travaillé, soit il idéalise le caractère radicalement innovant de ce qu’il propose, etc. Dans tous les cas, un tel propos inquiète, quand bien même l’entrepreneur aurait précisé qu’il n’y a pas de concurrence «directe». Il n’y a sans doute qu’un très faible nombre de projets autorisés à y prétendre, « et encore », diraient certains …
a concurrence directe est composée des acteurs du marché proposant un produit (ou un service) similaire, du moins suffisamment proche pour être spontanément interprété comme identique, même si des différences de caractéristiques sont perçues. Par exemple, les concurrents d’un coffee shop sont les autres coffee shops.
La concurrence indirecte satisfait des attentes ou des besoins des consommateurs, mais d’une façon différente. Autrement dit, elle propose des alternatives apportant une satisfaction pouvant être rangée dans la même catégorie même si le produit (ou le service) est différent. Un bar à bière peut être considéré comme un concurrent indirect d’un coffee shop dans la mesure où le consommateur peut avoir envie de boire une bière plutôt qu’un cappucino. L’intensité concurrentielle peut, dans ce cas, être également influencée par les créneaux horaires ou par la saisonnalité (en fin d’après-midi l’été : bière ou cappucino ?), et cette conscience peut inciter à monter des opérations afin d’attirer le client.
Parfois, la concurrence indirecte est plus éloignée, mais susceptible de capter les dépenses du consommateur ne disposant pas soit du budget pour acheter aux différents concurrents, soit du temps pour réaliser les différentes activités proposées, etc. Par exemple, la Cité du Vin de Bordeaux et une visite guidée du Bordeaux Médiéval peuvent être vues comme concurrentes si le touriste en escale ne dispose pas du temps pour effectuer les deux activités. Autrement dit, toute activité proposée par un acteur susceptible de capter le chiffre d’affaires auquel l’entrepreneur peut également prétendre est un concurrent. Dans une certaine mesure, il est ici possible de convoquer également le concept de produit de substitution.
Connaître la concurrence est essentiel pour tout entrepreneur. Une première étape consistera à observer attentivement le marché et à identifier les acteurs susceptibles d’entrer en concurrence (dès le départ ou plus tard) avec l’offre imaginée. Dans un premier temps, l’effort porte sur les concurrents directs puis l’analyse s’élargit. Une question persiste pour alerter sans cesse : qui est susceptible de capter les euros qui auraient pu être un CA pour notre entreprise ?
Le profil des concurrents se précise lorsque les critères de comparaison sont mis au jour. Dans notre pratique d’accompagnement, afin que les entrepreneurs travaillent et présentent clairement ce point important de la mise au point de leur projet, nous utilisons souvent l’analogie d’achat d’un matériel numérique.
Ainsi, imaginons l’achat d’un téléviseur sur un site de vente en ligne. Le consommateur a quelques idées mais peine à choisir. Il peut demander que les différents matériels qu’il a cochés à l’écran soient reportés dans un tableau où, en colonne, sont rappelées les références et, en ligne, sont listés les critères de comparaison. Le site l’a sans doute préalablement aidé à spécifier quelques critères. Le consommateur sait par exemple qu’il veut un téléviseur 4K dont le tarif est compris entre 1500 et 2000 euros. Cette indication resserre les choix possibles et, dans la liste des produits proposés, le consommateur peut cocher par exemple 4 produits, qui lui plaisent, dont il souhaite obtenir la comparaison. En lançant le comparatif, il obtient à l’écran un tableau où chaque colonne correspond à un téléviseur et chaque ligne aux critères de comparaison telles que la marque, le prix, la technologie, la disponibilité, la taille de l’écran, le format de l’image, la résolution, la présence ou l’absence de wifi, le nombre d’entrées HDMI, etc.).
Cette représentation synoptique est singulière au type de produits et comporterait évidemment des critères différents si le consommateur recherchait un casque audio plutôt qu’un téléviseur (certes, le prix et la marque peuvent être systématiquement indiqués, mais la taille de l’écran n’a pas sa place…).
Nous exigeons la même façon de présenter le positionnement concurrentiel mais avec, dans une colonne, l’offre qui est au catalogue de l’entreprise et, dans les autres colonnes, les offres des principaux concurrents. En ligne, le créateur reporte les éléments de comparaison pertinents. Il est également possible d’insérer quelques critères génériques, c’est-à-dire moins liés à l’offre mais permettant de comprendre à quels concurrents se confronte le projet (date de création des entreprises concurrentes, effectif, CA, …), au moins de les évoquer. Autrement dit, lors du pitch, et quelle que soit la méthode ayant été déployée pour renseigner le contenu, nous exigeons qu’il y ait présentation de ce tableau (ou une partie de celui-ci pour des questions de lisibilité lorsqu’il y a vidéo-projection). Le lecteur aura compris que cette analogie sert à la fois le choix du positionnement et sa compréhension. Si les concurrents sont nombreux, le document écrit présentant le projet comportera une section plus conséquente, mais à l’oral il s’agit de choisir les quelques concurrents permettant d’expliquer ce positionnement.
Les représentations du positionnement sont parfois plus graphiques. Ainsi en est-il des diagrammes croisant deux axes, les concurrents sont placés sur les quadrants et symbolisés par des cercles au périmètre plus ou moins grand selon leur part de marché.
Une représentation intéressante consiste à faire partir différents axes d’un centre, par exemple un axe par facteur clé de succès ou un axe par critère utile à la fois au choix et à la compréhension du positionnement. Chaque axe est gradué, par exemple de 0 à 5. L’entrepreneur y trace la courbe des principaux concurrents en reliant les notes qu’il leur a attribuées et reportées sur chaque axe. La figure suivante prend la forme d’un pentagramme pour situer l’entreprise par rapport à deux concurrents.
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« Les créateurs peuvent confier à leur conseiller les difficultés qu’ils éprouvent à trouver de l’information sur les concurrents que, selon certains fantasmes, seul l’espionnage industriel permettrait de contourner. En réalité, de nombreuses informations sont accessibles légalement et à moindre coût. Le créateur pourra consulter des annuaires ou des sites spécialisés sur Internet (tels que par exemple société.com, kompass.fr, lesannuaires.com, aef.cci.fr, foiresetsalons.pme.gouv.fr, bilan.leschos.fr) et compléter ces informations par des échanges avec les fournisseurs, les distributeurs ou des experts lors de salons professionnels. Une autre piste simple, et parfois négligée, consiste à acheter les produits ou les services de la concurrence : le créateur s’attachera à en décortiquer le contenu et à diagnostiquer où réside la valeur créée pour le client. Quelle que soit l’information à recueillir, l’essentiel est peut-être de mettre en place une procédure de veille commerciale (Chalus-Sauvannet, 2007). La veille est plus large que le marketing par son champ d’application : elle consiste à trier et ordonner de manière rigoureuse et systématique des informations stratégiques en surveillant à la fois les marchés, les produits/services, les technologies et les ressources humaines (Chalus-Sauvannet, 2007 ; Audras et Sansaloni, 2001; www.asselin.free.fr). »
Krémer, 2010, p.73-75
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A vous de jouer :
1/ Pour votre projet, réalisez le tableau comparatif évoqué dans cette note.
Pour aller plus loin :
Krémer F. (2010), La confrontation entre l’idée et le marché, Préparer le lancement de son affaire, Verstraete T. dir, De Boeck, p.79-97
Chalus-Sauvannet M.-C. (2007), « Les risques inhérents aux insuffisances de veille commerciale dans les projets de création d’entreprise. Étude de 15 cas d’entreprises de petite dimension », Revue Marketing & Communication, 3
Audras M., Sansaloni R. (2001). Les études marketing documentaires, Paris, Dunod, 2001.
Johnson G., Scholes K., Whittington R., Frery F., Stratégique, 8e éd., Pearson, 2008
Cocula F. (2008)., Introduction à la gestion, Les Topos, Dunod, Paris, 4e éd
L’analyse présentée dans la note 5.29 est très importante, indispensable, et permet au créateur de comprendre comment son offre se positionne par rapport à celle des concurrents. Les représentations de ce positionnement lui confèrent un état synchronique à compléter par une approche diachronique. Il s’agit d’interpréter l’attitude de la concurrence (agressive, coopétitive, etc.) au moment de l’analyse et d’anticiper celle qu’elle pourrait avoir lorsque le projet sera lancé. Autrement dit, l’analyse porte sur la dynamique concurrentielle en tenant compte de la possible réaction des concurrents face à un nouvel entrant. Cette réaction diffère selon la stratégie adoptée. Ainsi, si l’entreprise a décidé de se focaliser sur une niche, les principaux acteurs du marché pourraient ignorer le nouvel entrant. Si ce dernier devait s’engager dans une stratégie de domination par les coûts (cf. Porter), certes assez rares pour une jeune et petite entreprise récemment créée mais elle peut vouloir plus simplement « casser » les prix, ils ne peuvent pas rester indifférents, notamment si le nouvel entrant fixe des prix dangereusement bas pour le secteur (les artisans ont ainsi beaucoup critiqué le statut d’auto-entrepreneur non soumis aux mêmes charges). L’innovation est également un élément face auquel la concurrence ne peut généralement pas rester immobile.
Il convient de considérer la stratégie comme un processus et de mettre en place une observation durable, donc une veille, du comportement des concurrents. Cette observation est simple lorsqu’il s’agit de se rendre dans les magasins d’une zone de chalandise pour y effectuer des relevés de prix. Elle est plus complexe lorsqu’il est utile de comprendre les négociations entre un concurrent et ses clients lors d’un appel d’offre, ou lorsque l’analyse porte sur des trajectoires d’innovation. Il est nécessaire, de façon permanente, « d’enquêter » et d’entretenir d’excellentes relations avec les parties prenantes d’un réseau afin d’obtenir des informations plus ou moins faciles à collecter.
Les réactions de la concurrence à l’action stratégique d’une firme sont un objet de recherche en stratégie dans lequel le délai est un indicateur particulièrement considéré (Bensebba, 2000, 2003). Le créateur d’entreprise sera souvent démuni devant le jeu stratégique, les modèles mobilisables, le vocabulaire des spécialistes, etc. Mais tôt ou tard, qui plus est si son projet se développe, il ne se contentera pas d’une stratégie uniquement basée sur l’intuition pour recourir aux modèles et aux outils du stratège et, ainsi, travailler sa vision 4.1.
De façon très prosaïque, comprendre la dynamique concurrentielle, c’est préparer l’entreprise à protéger sa part de marché en mettant en place une stratégie commerciale efficace, ce qui ne veut pas forcément dire agressive.
Pour aller plus loin :
Besebaa, F. (2000). « Actions stratégiques et réactions des entreprises », M@n@gement, 3(2), p.57-79
Bensebaa, F., (2003), « La dynamique concurrentielle : défis analytiques et méthodologiques», Finance Contrôle Stratégie, 6(1), p.5-37
L’exercice de conviction consistant à présenter son projet à des partenaires potentiels amène évidemment l’entrepreneur à évoquer les conditions du démarrage de l’activité imaginée et à faire la démonstration de sa pérennité sur une période généralement comprise entre 1 à 3 ans. Les partenaires exigent encore souvent la remise d’un Plan d’Affaires (Business Plan). Celui-ci est un outil de planification (Dondi, 2008). Il présente le projet avec davantage de détails que ce que prévoit la plupart des modèles de BM. Le Plan d’Affaires possède évidemment des connexions avec le concept de BM ; disons, en première lecture, que nous considérons le plan d’affaires comme une conception cartésienne formalisant par écrit le plan à 3 ans, tandis que le BM est une modélisation systémique pouvant être circonscrite à un instant, pour expliquer. Mais le BM est dynamique et ne fait pas forcément l’objet ni d’une image figée ni d’un bornage temporel immuable. Au-delà d’une vision à moyen terme, qui constitue déjà un sacré pari, et dans la perspective de «donner envie » aux partenaires, l’entrepreneur est invité à évoquer « ses ambitions pour le projet ». Cette expression porte de naturelles ambiguïtés, voire des amalgames. En effet, s’agit-il d’apprécier l’ambition du créateur, ou celle de chaque membre de l’équipe entrepreneuriale (tout en vérifiant leur compatibilité), ou celle du projet ? Il est parfois difficile de faire la part entre une réalisation personnelle et un projet professionnel tant les vies correspondantes s’imbriquent, tant l’organisation est en symbiose avec celui qui la porte (Verstraete, 2001, 2003).
Il y a quelques années, c’est à propos des artisans (parmi lesquels on compte de nombreux entrepreneurs) qu’une publicité passant sur les grandes ondes radios mettait en scène un couple, apparemment en train de prendre son petit déjeuner ; l’auditeur entendait leur conversation dans laquelle, justement, s’imbriquaient des phrases concernant leur vie non professionnelle à d’autres relevant de leur vie professionnelle. Les protagonistes n’éprouvaient aucune difficulté à ranger le propos, contrairement à l’auditeur, mais celui-ci comprenait le message que la publicité faisait passer. Pour la plupart des entrepreneurs, et pour quasiment tous les créateurs d’entreprise, notamment en raison de l’engagement total que demande, à un moment, le lancement effectif de l’affaire, la frontière entre projet personnel et projet professionnel est floue. Il faut aussi dire que la vie professionnelle occupe, ne serait-ce qu’un temps, une grande place dans l’agenda, y compris dans celui d’un salarié, que dire s’agissant d’un entrepreneur … Celui-ci aménagera des plages de respiration (sport, amis, famille, randonnée, détente, … incomparablement plus efficaces et moins nocifs que les soutiens médicamenteux) pour ne pas être cognitivement saturé ou sombrer dans le burn-out.
L’évaluateur d’un projet appréciera la compatibilité de l’ambition donnée au projet avec celle du créateur. Ce bon sens est parfois source de sérieux problèmes quand ce dernier s’est laissé griser par les rencontres avec des partenaires enthousiastes, notamment des actionnaires poussant le projet dans un potentiel de revente à très bon prix là où le porteur initial souhaitait une affaire gérée en bon père de famille pour aller jusque sa retraite. Nous avons rencontré cette situation dans le cas d’une entreprise de rénovation de bâtiments touchés par le saturnisme. Le porteur de projet avait connu un licenciement après ses 50 ans et son expérience lui permettait de créer cette affaire qui a pris un tournant beaucoup plus ambitieux qu’il n’imaginait.
Un membre de sa famille, devenu associé, plus jeune et terriblement mercantile, a tiré le projet vers des partenaires très intéressés et de bons clients, mais pour des marchés plus ambitieux. Notre créateur a été dépassé et ne s’est pas réalisé dans ce projet qui, pourtant, paraissait répondre à ses ambitions, voire plutôt à ses motivations. Ceci dit, les actionnaires ne sont pas les seuls à parfois souhaiter une ambition plus importante que celle du porteur initial d’un projet, l’exaltation provient parfois des autres parties prenantes (salariés, clients, fournisseurs, financeurs, …).
A vous de jouer :
1/ Quelle est votre ambition personnelle ?
2/ « Qui » êtes-vous dans 5, ou 10 ou 20 ans ? …
3/ Quelle est l’ambition de votre projet, ou plutôt, quelle est votre ambition pour le projet que vous portez ?
4/ Justifiez la compatibilité des points précédents.
5/ Connaissez-vous les ambitions de vos associés ?
6/ Résumez, en un paragraphe (qui pourra être repris dans le storytelling de votre BM), l’ambition du projet.
Pour aller plus loin :
Dondi, J. (2008). « Le plan d’affaires d’un projet de création d’entreprise: quelques rappels issus de la littérature et problèmes posés par son emploi », Revue du Financier, 170, mars-avril, p.61-77
Verstraete T., (2001). « Le phénomène entrepreneurial », Revue de l’Entrepreneuriat, 1(1), p.5-24 (lien)
Verstraete T., (2003). Proposition d’un cadre théorique pour la recherche en entrepreneuriat :
PhE = f [ (C x S x P) (E x O) ], Editons de l’ADREG, décembre, (lien)
Bien que le propos puisse en partie être élargi à tout le BM, notre pratique nous a confronté à différents types de créateurs ayant des attitudes différentes face à la définition de la Proposition de Valeur, particulièrement lorsqu’il s’agit de procéder à l’étude de marché et à l’analyse concurrentielle. Sans faire croire à une typologie scientifiquement construite, nous avons croisé les profils suivants. Les enquêteurs quêtent toutes les informations possibles, sur Internet ou en contactant (et en rencontrant si possible) des acteurs (fournisseurs, clients, salariés, …). Ils posent plus ou moins directement tout un ensemble de questions. Ils n’hésitent pas à demander si un nouveau contact est possible et frôlent parfois l’indiscrétion. Cette dernière est discutable lorsqu’ils n’hésitent pas à se mettre en rapport avec un concurrent, sans confesser leur projet, pour soutirer des informations stratégiques ou opérationnelles. Ils sont parfois incroyablement documentés et en état de veille permanent. La masse de données recueillie nécessite un sérieux tri. Les timides peuvent être très motivés par leur projet mais sont gênés par les investigations à mener. Ils se réfugient souvent derrière les outils en faisant croire en une maitrise de ceux-ci qui ne gommera jamais, toutefois, la qualité de l’information recueillie directement auprès des acteurs. Ces timides se contenteraient volontiers des données secondaires en prétextant qu’il est difficile d’obtenir des informations. Le coaching à leur pratiques porte alors autant sur la méthode que sur la personne. Les routards ont trainé leur bosse. Ils ont une grosse expérience du terrain. Ils pensent souvent pouvoir s’affranchir d’une méthode systématique s’appuyant sur des outils perçus par eux comme théoriques. Un autre biais d’interprétation est lié à leur tendance à généraliser leur expérience, le monde serait à l’image de celle-ci … Les artistes voudraient que la méthode déployée profite de leurs capacités créatives. Bien que parfois néophytes, ils sont capables, disent-ils, de revisiter une méthode et, avec aplomb, défendre l’idée que leur pratique de « l’enquête » est bien meilleure que ce qu’on peut lire dans les manuels ou enseigner dans les séminaires dédiés. Il ne faut pas craindre de qualifier certains porteurs de fantaisistes. A l’occasion, ils combinent de façon remarquable un fort capital sympathie à une faculté désarmante à reporter les choses à faire. Parfois, on a le sentiment que le projet n’avance pas dès qu’une contrainte se présente, notamment lorsqu’il faut suivre une méthode. Ils ne veulent pas de contrainte, par exemple celle d’un processus posant des échéances permettant d’apprécier la maturation du projet. L’ultimatum devient dans ce cas le seul moyen d’avancer. Les voyous ne sont pas honnêtes avec les interlocuteurs, et parfois avec eux-mêmes. Ils réinterprètent les données pour qu’elles disent ce qu’ils souhaitent entendre. Les marcheurs se fient à ce qu’ils voient chemin faisant. Sans déployer de véritables méthodes systématiques de collecte et d’analyse, ils restent néanmoins parfaitement en éveil. Enfin, les bons élèves écoutent, collectent, rencontrent, échangent, analysent, restituent, critiquent, etc. Le rêve du coach.
Il y a sans doute bien d’autres profils.