Note 3.1 : La valeur dans la littérature sur le Business Model
Note 3.2 : Polysémie de la valeur
Note 3.3 : La Proposition de Valeur : essentiellement du point de vue du client
Note 3.4 : La Fabrication de la Valeur
Note 3.5 : Le(s) Porteur(s) du projet : une composante du BM
Note 3.6 : La valeur de la Rémunération, pour que le projet soit pérenne
Note 3.7 : Startup
Note 3.8 : Le partage de la valeur renvoie à une conception écologique de l’entrepreneuriat
Note 3.9 : Conviction, convention
Note 3.10 : Le Business Model est un système
L’intérêt et la pérennité d’une relation résident essentiellement dans l’échange d’éléments ayant de la valeur pour ses protagonistes. Dans le cadre d’une création d’entreprise, un salarié, par exemple, reçoit un traitement conforme à son apport d’expertise et de travail.
La valeur se relativise à celui qui la perçoit et ne s’exprime pas obligatoirement de façon pécuniaire. Chaque salarié peut pondérer différemment des critères comme par exemple les appointements, le temps de trajet pour aller au travail, la possibilité de toucher un 13ème mois, la garantie de l’emploi, ou encore les possibilités de promotion.
Entre les catégories de parties prenantes, les différences sont plus flagrantes, car les attentes ne sont pas les mêmes. La valeur pour un client n’est pas la même que celle attendue par un banquier, par un fournisseur, un actionnaire, un salarié, etc.
Le concept de « valeur » est central dans la conception d’un Business Model 3.1. La valeur est au cœur du projet d’entreprendre autour duquel se cristallise un réseau de parties prenantes aux attentes multiples. La valeur comporte alors un caractère ambigu avec lequel il faut savoir composer 3.2. Le modèle GRP en tient compte lorsqu’il définit le Business Model comme une représentation partagée relative à la Génération de la valeur, à la Rémunération de la valeur et au Partage de la valeur. Chacune de ces dimensions comporte trois composantes. Voyons cela.
Avec la Génération de la Valeur, le modèle GRP insiste sur l’importance d’apporter aux clients, ou aux usagers, un produit ou un service qui a de la valeur pour eux. Autrement dit, la Génération de la valeur doit clairement présenter l’offre, que les spécialistes du Business Model appellent « la Proposition de Valeur » 3.3. Il y a du bon sens dans cette expression, car si ce qui est proposé ne vaut rien, personne n’en veut …
Pour générer effectivement cette valeur et ainsi tenir la promesse formulée, il convient de la fabriquer 3.4. Concrètement, c’est répondre à la question: comment allez-vous vous y prendre ?
Le processus correspondant part de la nécessité de capter des ressources, passe par l’organisation permettant de produire l’objet promis et finit par la fourniture, au client, de la valeur qu’il attend.
Encore faut-il croire en la capacité de l’entrepreneur à déclencher et à piloter le processus correspondant. A ce titre, sa formation, ses expériences, mais aussi ses motivations, ses valeurs, voire son profil, sont étudiés notamment par les partenaires susceptibles de financer le projet.
En effet, si pour des investisseurs le projet est important, celui qui le porte, qu’il s’agisse d’un individu ou d’une équipe, l’est bien davantage … Dès lors, ne pas inclure le porteur de projet dans le Business Model, c’est priver ce dernier d’une de ses pièces maîtresses 3.5.
La Rémunération de la Valeur correspond à ce qui est parfois qualifié de « modèle économique » 3.6. Elle rappelle que le projet doit obtenir une rémunération pour ce qu’il propose, sinon, l’affaire ne durera pas.
Si cette rémunération s’exprime souvent par un chiffre d’affaires, nous verrons, lors d’un prochain chapitre, que la nature du projet peut la conduire à prendre d’autres formes, par exemple la satisfaction des usagers dans le cas d’un service public.
Avec la première composante de la Rémunération de la valeur, il s’agit d’expliquer comment le chiffre d’affaires arrive à l’entreprise.
C’est-à-dire que les sources de la rémunération doivent être claires. Pour certaines affaires montées sur internet, il a fallu constater que les utilisateurs n’étaient pas toujours les payeurs. Or, un partenaire financier doit recevoir une explication limpide des voies par lesquelles ce chiffre d’affaires parvient à l’entreprise. Ce point est crucial pour tout type de Business, pas seulement pour les start-ups internet 3.7.
Le partenaire susceptible de financer un projet sera également intéressé, d’une part, par le volume de cette rémunération, c’est-à-dire l’estimation du chiffre d’affaires et, d’autre part, par la performance globale du projet envisagé.
Si cette performance s’apprécie sur le plan financier, d’autres plans peuvent être importants dans l’exercice de conviction; par exemple la performance estimée en termes de gain de notoriété ou d’image.
Avec le Partage de la valeur, il faut comprendre que le business fait partie d’un environnement dans lequel il s’imbrique, avec lequel il faut être en symbiose pour durer, parce que l’entrepreneuriat est un acte fondamentalement partenarial 3.8. Le Business Model est une représentation partagée intégrant les attentes des parties prenantes. A ce titre, la première composante du Partage de la valeur concerne les relations gagnant-gagnant à établir avec les partenaires car sans eux, pas de ressource, et sans ressource pas de projet.
Qui plus est, les parties prenantes conduisent souvent à voir le projet sous un autre angle et peuvent aider à étendre le réseau d’affaires.
Ces parties prenantes agissent selon des conventions, des façons de faire.
Leurs comportements peuvent ainsi concerner les pratiques d’un métier ou d’un secteur d’activité, la culture d’une zone géographique, des normes techniques ou sanitaires, etc.
Pour convaincre des partenaires, le créateur d’entreprise montre alors qu’il est sensible à ces conventions et qu’il en connaît les principales, même lorsqu’il envisage d’innover et de les infléchir en partie 3.9.
Enfin, le créateur doit comprendre et expliquer le rôle du business envisagé au sein de son écosystème.
Celui-ci concerne autant les grandes tendances de l’environnement que la façon dont le système économique et social est construit. L’architecture de ce système peut être définie comme l’ensemble des dispositifs par lesquels s’opèrent les échanges de valeur entre les acteurs qui le composent. Le business en création doit s’y faire une place.
Ainsi, nous parlons de modèle GRP. « G » pour génération.
« R » pour rémunération. « P » pour partage. Lors de l’exercice de conviction déployé auprès de possesseurs de ressources pour en faire des parties prenantes, l’entrepreneur présente alors les neuf composantes du Business Model, sans omettre de montrer leurs liens 3.10.
En fonction du temps dont vous disposez, pour convaincre, racontez donc en quelques phrases, en quelques diapositives, ou en quelques pages votre Business avec le Business Model GRP.
Les notes de ce chapitre 3 ne proposent pas la rubrique “A vous de jouer” dans la mesure où elles concernent les différentes composantes du BM GRP. Chacune de ces composantes fait l’objet d’un chapitre dédié et ces derniers activent évidemment la rubrique.
Accéder à l’animation vidéo de ce texte.
A côté des évocations anecdotiques du BM, les désormais nombreux textes publiés dans les revues savantes plaçant celui-ci en objet d’études fournissent l’occasion d’en cerner les contours. Si le BM est parfois confondu avec le modèle économique (qui n’en est qu’une partie), un consensus semble se dessiner autour de l’importance à accorder à la notion de valeur (Jouison, 2008 ; Eyquem-Renault, 2011).
Le tableau 1 présente quelques définitions illustrant ce constat.
Pour aller plus loin :
Amit, R., Zott, C. (2001). « Value Creation in E-Business », Strategic Management Journal, 22(6-7), p.493-520
Baden-Fuller C., Morgan, M. S. (2010). « Business Models as Models ». Long Range Planning, 43(2-3), 156-171
Betz F. (2002). « Strategic Business Models ». Engineering Management Journal, 14(1), p.21-27.
Chesbrough H., Rosenbloom R. S. (2002). The Role of Business Model in Capturing Value from Innovation: Evidence from Xerox Corporation’s Technology Spin-off Companies. Industrial and Corporate Change, 11(3), p.529-555
Eyquem-Renault M. (2011). Analyse pragmatique du Business Model et performance de marché dans l’entrepreneuriat technologique. Thèse pour le doctorat de l’Ecole nationale supérieure des mines de Paris, spécialité Socio-économie de l’innovation
Jouison E. (2008), Le Business Model en contexte de création d’entreprise: recherche action sur le terrain des porteurs de projet de création d’entreprise, Thèse pour le doctorat de sciences de gestion, IRGO – Université de Bordeaux
Magretta J. (2002). « Why Business Models matter ». Harvard Business Review, 80(5), p.86-92
Verstraete T. et Jouison-Laffitte, E. (2009). Business Model pour entreprendre – Le modèle GRP : théorie et pratique. Bruxelles, De Boeck
Verstraete T., Jouison-Laffitte, E. (2011a). A Business Model for Entrepreneurship. Edward Elgar Publishing Limited
Verstraete T., Jouison-Laffitte, E. (2011b). « A conventionalist theory of the Business Model in the context of business creation for understanding organizational impetus ». Management International, 15(2), p.109-124
Verstraete, T. Krémer, F. et G. Néraudau (2016), « Comprendre les conventions pour mieux concevoir son Business Model : les enseignements d’une recherche-action pédagogique utilisant le cinéma», XIIIe CIFEPME (Congrès International Francophone sur l’entrepreneuriat et la PME), Trois-Rivières, octobre, 2016
Voelpel S.C., Leibold M., Tekie E.B. (2004). « The wheel of business modelreinvention: how to reshapeyour business model toleapfrog competitors ». Journal of Change Management, 4(3), p.259-276
Le terme valeur est polysémique. Sa singularité réside dans le caractère à la fois irréductible et indissociable des sens qu’il porte. Le philosophe André Comte-Sponville (1998) s’est penché sur le terme « valeur » lors d’un congrès de gestionnaires, qu’il a ouvert par une conférence inaugurale.
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« Dans le langage philosophique, la valeur peut se dire en plusieurs sens : comme objet d’échange (c’est la valeur au sens économique), comme objet de désir (c’est la valeur au sens éthique), comme objet d’une tendance ou d’une action (la valeur est alors la fin que l’on poursuit : sens téléologique), comme objet de référence pour nos jugements (sens normatif, voire prescriptif), comme objet de connaissance ou de contemplation (sens métaphysique) … Ces sens sont liés, mais n’en sont pas moins différents ; ou sont différents, mais n’en sont pas moins liés. C’est ce qui justifie et l’unicité et la polysémie du mot. Ainsi parlera-t-on de la valeur d’une marchandise ou d’une action (c’est-à-dire de la valeur qu’elles ont), mais aussi de la justice ou du Bien comme valeur (ce qui désigne les valeurs qu’elles sont). Le sens économique semble être apparu, historiquement, le premier. Mais le sens éthique est sans doute, philosophiquement, le plus fondamental. Comment échanger ce que personne ne désirerait ? Que vaudrait une norme, une règle ou une fin qui nous laisseraient indifférents ? Enfin, à quoi bon la connaître ou la contempler, si elle n’est pas désirable ? », « … la valeur est le corrélat – objectif ou subjectif – du désir … », « une valeur, vient-on de rappeler, c’est quelque chose (ou quelque idée, ou quelque entité, …) de désirable; mais est-ce parce qu’on la désire qu’elle vaut, ou bien est-ce parce qu’elle vaut qu’on la désire ? » (p.16).
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Une valeur, vient-on de rappeler, c’est quelque chose (ou quelque idée, ou quelque entité, …) de désirable ; mais est-ce parce qu’on la désire qu’elle vaut, ou bien est-ce parce qu’elle vaut qu’on la désire ?
Cette conférence, reprise dans les actes du congrès, est suivie par quelques chapitres écrits par différents spécialistes des sciences de gestion, chacun montrant l’importance de la valeur dans sa spécialité (stratégie, finance,
GRH, …). Il n’est donc pas surprenant de voir la valeur au cœur de l’entreprise. Il n’est pas plus déraisonnable de considérer cette centralité dès la genèse de cette entreprise, donc dès son BM si on adopte notre position (Verstraete, Jouison-Laffitte 2011b) considérant le BM comme l’artefact de cette impulsion.
Ce chapitre 3 présente globalement le BM GRP. Nous verrons, plus loin et une fois le modèle livré, l’acception possible du terme valeur selon qu’on parle du G, du R ou du P.
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On lira également avec intérêt la préface des actes écrite par Jean-Pierre Bréchet : « La notion de valeur apparaît de façon récurrente dans les discours économiques et gestionnaires : valeur du produit et de ses attributs pour le client, valeur de l’entreprise sur les marchés financiers, valeur des ressources et des compétences technologiques ou humaines, processus de création de valeur et appréciation de la valeur créée … Les interrogations sur les valeurs débordent aussi le champ des sciences de l’action. Le philosophe et le sociologue ne sauraient être exclus de débats sur la valeur qui depuis toujours les mobilisent. Ce que valorisent les hommes et les sociétés, dans l’absolu des idées et dans le relativisme de l’action, ne peut être étranger aux interrogations plus générales sur les régulations économiques et sociales. Si l’on veut bien admettre que tout acte est le fruit d’une évaluation ou que, de fait, des processus de valorisation et d’évaluation sont toujours à l’œuvre dans l’action, l’interrogation sur la valeur apparaît à la fois au cœur de notre discipline et à l’interface des disciplines qui, elle aussi, prétendent dire, construire ou répartir la valeur. Le thème de la valeur nous paraît ainsi porteur d’enjeux. Enjeu théorique, et nous le verrons émancipatoire, dès lors que la notion de valeur nous invite à réfléchir sur nos présupposés et à nous confronter aux autres acceptions de la notion dans les disciplines proches; enjeu pratique, car la valeur, notion charnière, à l’interface de l’offre et de la demande, est au cœur de la conception et du développement des outils et des pratiques de management. Mais n’avons nous pas abusivement manié l’ambiguïté et le flou en mêlant les différentes acceptions de la notion de valeur dans le propos. »
Bréchet, 1998, p.7
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Pour aller plus loin :
Bréchet, J.-P. (1998) « Le thème de la valeur – transversalité, ambiguïté et enjeux », Actes des XIVèmes journées nationales des I.A.E. Nantes, 7-12
Comte-Sponville, A. (1998). « Philosophie de la valeur ». Actes des XIVèmes journées nationales des I.A.E. Nantes, 15-26
Verstraete, T., Jouison-Laffitte, E. (2011) A Business Model for Entrepreneurship, Edward Elgar
L’expression « Value Proposition», ou « Proposition de Valeur », est une quasi-constante dans les travaux sur le BM. On la retrouve ainsi dans les principaux modèles à destination des praticiens ainsi que dans les écrits académiques. Elle est parfois attribuée à Michael Lanning et Edward Michaels qui l’ont utilisé en 1988 dans une lettre interne au cabinet Mc Kinsey. Le titre de leur texte est évocateur : « A business is a value delivery system ». S’agissant de la Proposition de Valeur, ils disent : « A business unit promises customers some value, a combination of benefit an price. It thus offers a value proposition. We believe that behind any winning strategy stands a superior value proposition. If a customer group finds a business unit’s value proposition superior, the business unit can be said to have delivered a superior value to that group.», p.3.
Dans le chapitre 5 du présent ouvrage, consacré à la Proposition de Valeur (et parallèlement dans l’épisode 5 afférent de la web-série), le lecteur remarquera que la valeur de la Proposition de Valeur est celle adressée au client. Elle combine deux fonctions listées par Chesbrough (2003): la Proposition de Valeur (la valeur créée pour l’usager) et le segment de marché (les usagers trouvant l’offre utile). Nous sommes également sensibles à l’acception de Stähler (2001). Il considère la valeur proposée à tous les partenaires, pas uniquement celle à destination du client. Le lecteur retiendra évidemment que le projet doit apporter de la valeur à chaque partie prenante, mais ici, lorsque nous parlons de Proposition de Valeur, il convient de se focaliser, selon notre modèle, sur l’idée d’affaires devant se concrétiser en opportunité d’affaires (dans le BM GRP, les valeurs échangées avec les parties prenantes relèvent de la composante Parties Prenantes et de ses liens avec les autres composantes du BM).S’agissant de l’idée d’affaires, il nous semble important d’être clair sur 4 items pour convaincre les partenaires d’adhérer au projet : l’origine et la nature de l’idée (elles intéressent toujours un partenaire), la mise au point de l’idée (qu’il s’agissent de tests en laboratoire, de la réalisation d’un prototype, des premiers échanges avec des partenaires et notamment avec des clients potentiels et avant l’étude qualitative, d’une séance de créativité, etc.), la protection de l’idée (la formulation est certes abusive car une idée, en soi, ne se protège pas, mais cette formulation permet de sensibiliser précocement le porteur d’un projet à la nécessité de faire une recherche en matière de propriété intellectuelle/industrielle) et la transformation de l’idée en offre (c’est, en quelque sorte, faire voir le catalogue de produits ou de services, en définissant leurs caractéristiques, leurs prix, etc. Lorsque le BM prend forme, le porteur sait en formuler les premières expressions).
Pour l’opportunité, également 4 items nécessitent un travail de conviction : l’attractivité du marché (l’apprécier en réunissant des informations de nature qualitative et de nature quantitative pour apprécier le marché, sans omettre de citer les sources), la définition de la cible (il s’agit de cerner plus précisément les attentes ou la capacité à satisfaire des clients qu’une première étude qualitative explorera), l’analyse de la concurrence (celle-ci montre, à sa façon, qu’un marché répond à l’offre des concurrents vis à vis de laquelle le porteur positionnera la sienne) et l’affichage de l’ambition du projet (ex : la création d’un point de vente unique ou celle visant à prendre la position du leader en ouvrant des boutiques partout dans le monde ne relève pas du même BM).
Les développements de la Proposition de Valeur sont dans le chapitre 5.
Pour aller plus loin :
Chesbrough, H. (2003). Open Innovation : The New Imperative for Creating and Profiting from Technology, Harvard Business School Press, Boston Stähler, P. (2002).
« Geschäftsmodelle in der digitalen Ökonomie ». Electronic Commerce Brand, octobre.
La fabrication de la valeur réfère au processus conçu ou mis en œuvre pour capter les ressources nécessaires ou utiles à la mise en œuvre du projet, pour lui donner corps et produire le produit ou le service qu’il faudra apporter aux clients à qui une promesse a été formulée avec la Proposition de Valeur. Il n’est pas incongru d’assimiler ce processus au cycle générique « achat – fabrication – vente » d’une entreprise. Le chapitre 6, portant sur cette composante Fabrication de la valeur, propose une perspective proche de cette acception mais s’appuie plus précisément sur le triptyque suivant : Capter les ressources (tangibles et intangibles) – Organiser les ressources (production, information, activités de soutien, contrôle, …) et donc les tâches afférentes – délivrer la valeur (logistique, force commerciale, canaux de distribution, voire publicité, …). Cette composante est évidemment très liée, d’une part, à la Proposition de Valeur, puisqu’elle matérialise l’offre par un système productif, mais également aux Partie Prenantes apportant les ressources car elle conçoit la structure organisationnelle déployant les politiques d’optimisation des échanges avec ces dernières (par exemple la politique marketing pensée pour optimiser les relations avec les clients, ou la politique salariale à destination des salariés, etc.). Elle est également proche, d’autre part, du Volume des revenus (que nous verrons plus tard) car il convient d’être en mesure de produire les quantités nécessaires à la réalisation du chiffre d’affaires estimé.
Les développements de la composante Fabrication de la valeur sont dans le chapitre 6.
Il faut ici considérer le porteur comme un individu unique ou pluriel (ce qui pose alors de nouvelles questions concernant la complémentarité/compatibilité des membres de l’équipe entrepreneuriale), l’utilisation de la forme singulière n’est dans cette note qu’une commodité.
Certains feront du porteur une partie prenante (cf. chapitre 10). Nous en faisons une composante du BM à part entière car il en est une pièce maitresse, au point qu’il n’est pas rare d’entendre des investisseurs tenir un propos du type : « moi, c’est 60% le porteur, 40% le projet », sous-entendant ainsi que la confiance dans les capacités du porteur compte davantage que le projet lui-même. Certes ce propos se discute dans sa formulation, mais l’image qu’il véhicule est l’écho d’un sentiment répandu.
Le BM est avant tout conçu par le porteur qui s’est forgé une représentation qu’il tente, chemin faisant, de faire partager aux partenaires. Ces derniers ont d’ailleurs nourri cette représentation. Le BM prend ainsi la forme d’une représentation partagée par le porteur et ses partie prenantes, même si ces dernières n’ont pas forcément besoin d’en connaître les détails. Qui plus est, le porteur met en œuvre le projet.
Les développements de la composante Porteur(s) sont dans le chapitre 4.
La dimension Rémunération de la Valeur correspond au modèle économique du BM. Il convient donc de ne pas amalgamer Business Model et Modèle Economique. Dans le modèle GRP, le modèle économique est une des trois dimensions du BM; plus précisément, il correspond au « R » de l’acronyme (le G est le modèle productif et le P correspond au modèle relationnel).
Avec la rémunération de la valeur, il s’agit de concevoir la façon dont l’effort réalisé pour apporter de la valeur, à ceux pour qui celle-ci a été conçue, trouvera une compensation, ou une forme de récompense, ou un échange autorisant la pérennité du projet. Pour une entreprise, il s’agit essentiellement du chiffre d’affaires (nous aborderons, plus loin dans l’ouvrage, le cas des organisations ne réalisant pas de CA pour lesquelles cette rémunération peut prendre la forme de subventions d’exploitation ; certaines structures peuvent fonctionner avec un modèle économique hybride, c’est-à-dire par exemple composées en partie de CA et de subventions d’exploitation).
Il convient, lors de la conception du BM, d’imaginer les sources du CA (par exemple en posant la question : qui paie ?) et d’en estimer le volume (combien ?). Généralement, les partenaires susceptibles d’investir dans le projet apprécient que les prévisions de CA couvrent une période de trois années. Même lorsque la première année sert, en quelque sorte, de preuve de concept et que rendez-vous est pris à son terme afin de poser à nouveau les estimations, le partenaire financier apprécie les efforts d’anticipation.
Mais pour que l’exploitation puisse se mettre en œuvre, encore faut-il préalablement investir (voire ensuite réinvestir pour financer la croissance). Il s’agit alors de réaliser un plan de financement expliquant, dans sa version initiale, à quoi va servir le capital social réuni, les prêts sollicités et/ou consentis, les montants versés au compte courant des associés, les subventions d’investissement (notamment pour les projets ne relevant pas du secteur privé), etc. Lorsque l’exploitation est performante, elle dégagera un surplus qui pourra être investi dans l’entreprise (symbolisé par la CAF, c’est-à-dire la capacité d’autofinancement).
Le porteur d’un projet sera, le plus tôt possible, sensibilisé à la distinction à faire entre l’exploitation de l’entreprise et les investissements ayant permis à cette exploitation de démarrer. Si des investissements peuvent se répéter dans certains cas (croissance, projet de développement, tours de table programmés et subordonnés à l’atteinte de certains objectifs, etc.), c’est l’exploitation de l’entreprise qui la pérennise, à condition de capter suffisamment de chiffre d’affaires, et sans faire exploser les coûts pour le réaliser.
Cette distinction entre l’exploitation et l’investissement, qui sont évidemment liés, conduit les partenaires à apprécier la rentabilité de l’exploitation (seuil de rentabilité ou point mort) et la rentabilité des investissements (retour sur investissement).
La performance concerne également des éléments non financiers dont la présentation participe à l’exercice de conviction, que le projet soit à finalité pécuniaire et surtout lorsqu’il ne l’est pas.
Des éléments de notoriété, de satisfaction des usagers, de climat dans l’entreprise, etc. peuvent d’ailleurs être des éléments utiles (voire nécessaires) à la performance financières (CA, levées de fonds, subventions, …).
Les développements des trois composantes de la dimension Rémunération de la Valeur du BM GRP sont présentés dans les chapitres 7 (Sources des revenus), 8 (Volumes des revenus) et 9 (Performances).
out comme le BM traité dans cet ouvrage, l’expression de langue anglaise « startup » a été très largement employée depuis l’avènement des créations d’entreprise exploitant internet (on parle parfois de « phénomène startup »). La traduction française officialisée par la « Commission d’enrichissement de la langue française » est « jeune pousse». Force est de constater que cette dernière n’a pas rencontré le succès et reste rarement employée.
Le périmètre définitionnel de la startup n’est pas strictement arrêté. Certains le circonscrivent aux entreprises créées récemment de type plutôt « pure player », c’est-à-dire les entreprises œuvrant uniquement sur internet ou dont l’activité relève essentiellement des possibilités offertes par lui. D’autres élargissent l’emploi du terme aux entreprises en démarrage présentant un fort potentiel de croissance et plutôt innovante.
Au sein de ces dernières, l’expression reste utilisée pour les entreprises créées moins récemment mais toujours inscrite dans ce potentiel de croissance. Enfin, de façon encore plus large, il est possible d’utiliser le mot startup, comme c’est le cas depuis très longtemps en langue anglaise, pour toutes les entreprises en création ou créées récemment. Il est probablement utilisé depuis le XVIème siècle pour qualifier une très jeune compagnie, et il aurait été rappelé par le magazine Forbes, en août 1976, à propos des entreprises du domaine électronique, alors que Business Week, en septembre 1977, l’aurait employé pour qualifier les jeunes entreprises de haute technologie à croissance rapide. Dans tous les cas, il s’agit de création d’entreprise ex-nihilo, c’est-à-dire partie de « rien », ou plutôt ne prenant pas appui sur une entreprise préexistante.
Le terme écologie n’est pas ici considéré selon la perspective de la théorie de l’écologie des populations en sciences de l’organisation (le niveau d’analyse est alors les populations d’organisations ; il s’agit d’étudier la façon dont le système, au sein duquel ces populations évoluent, les sélectionne). Il ne correspondra pas davantage au courant politique.
Il est, pour ce qui nous intéresse, un état d’esprit s’agissant des relations à entretenir avec autrui. Défendre une conception écologique de l’entrepreneuriat peut sembler être une position exagérée, mais elle pourrait tout à fait faire l’objet d’un essai auquel nous nous attacherons prochainement.
L’interaction d’un ou de plusieurs éléments du vivant avec les autres peut être libre ou parasité (il faut alors entendre « lié »). Dans ce second cas, on peut distinguer trois formes de relation entre un hôte et un parasite : la symbiose, le parasitisme et le commensalisme. Dans ce dernier cas, l’hôte voit une partie de ses ressources détournée par son parasite. Le commensal ne va pas nuire outre-mesure à son hôte dont il a besoin pour sa survie. Il peut y avoir, dans une certaine mesure, une forme de tolérance de l’hôte. Dans le cadre d’un parasitisme au sens le plus courant du terme, la nuisance est forte. L’hôte est sensiblement affaibli et peut mourir. Lorsque la relation est symbiotique, la relation apporte aux deux organismes interagissant.
Nous sommes convaincus que l’entrepreneuriat doit être une relation de type symbiotique. Il est plus délicat d’affirmer qu’elle l’est effectivement, car force est de constater des formes déviantes, par exemple lorsque des projets tirent parti d’une relation sans apporter en échange une valeur au moins égale à la ressource obtenue. Tout porteur d’un projet gagnera à utiliser cette analogie biologique dans la construction et la gestion de son réseau d’affaires. L’entrepreneuriat est un phénomène fondamentalement partenarial car sans partenaire, pas de ressource et sans ressource, pas de projet. Mais plus encore, et certes selon une certaine éthique des affaires, les stratégies gagnant-gagnant à mettre en place appellent une relation symbiotique. Le porteur de projet cherchera ce type de relation durable.
Nous y reviendrons lors des chapitres sur les parties prenantes (10) et sur l’écosystème (12).
La convention et la conviction sont dans une relation paradoxale.
La conviction renvoie à l’état d’esprit d’un individu croyant fortement dans ses idées, ses valeurs ou ses projets. Elle concerne également l’attitude de cet individu qui défend justement avec conviction ces idées, valeurs ou projets. Certains individus « manquent de conviction ». Ils pêchent alors en termes de motivation dans la réalisation d’une tâche ou ils sont incapables (travail insuffisant, erreur d’analyse, approximation, …) de fournir suffisamment de contenu, ou ils commettent des erreurs, ou leur attitude manque d’enthousiasme, etc. Ils peinent ainsi à emporter l’adhésion de ceux qu’ils cherchent à convaincre.
La conviction peut, le cas échéant, déroger aux conventions. Ces dernières réfèrent à un système de règles collectives plus ou moins explicites orientant les croyances et les comportements des acteurs de l’espace social concerné (une entreprise, un domaine d’activité, une famille, une zone géographique, un groupement politique, un pays, …). En ce sens, la conviction et la convention sont liées puisqu’un individu peut fortement croire aux valeurs de son groupe social et les défendre avec conviction. Ainsi, les conventions influencent les convictions. Mais un individu peut puiser en lui-même, par exemple par sa créativité, une nouvelle façon de voir les choses, et tenter de proposer un comportement différent (dans le domaine du business, il est possible de prendre comme exemple une innovation conduisant à un changement de comportement des consommateurs). Il devra alors déployer ce que nous appelons un exercice de conviction pour enrôler des partenaires.